•  La couverture de TIME du 9 juillet est particulière. Elle se compose de la photo de la jeune Bibi Aisha (18 ans, mariée à 12), mutilée par son mari (pour avoir quitté le domicile conjugal), et d'une affirmation expliquant que c'est "ce qui arrivera si nous quittons l'Afghanistan".

    Ma première impression est marquée par la qualité de la photo.
    Mais le commentaire montre tout le poids des mots derrière le choc de l'image.

    Tout d'abord, on peut considérer que cette mutilation barbare s'est produite en 2009, alors que le pays était déjà occupé depuis 8 ans par les forces occidentales. Leur présence n'a donc rien changé.
    L'Afghanistan serait-il pire s'il n'était pas occupé ? Le journal Time veut-il suggérer que ce cas se multiplierait jusqu'à devenir habituel si les armées commandées par les Etats-Unis quittaient ce pays ?
    Encore faudrait-il pouvoir observer sous les burqas pour s'en assurer.

    Se servir de la légitime horreur qu'inspire cet acte barbare exceptionnel pour justifier la guerre est une manière de procéder très douteuse. On pourrait tout autant se servir du prétexte de cette mère infanticide pour déclarer la guerre à la France, ce pays "barbare" où les mères tuent leur nouveau-né. La perversion de certains doit-elle rejaillir sur tout un peuple ?

    On trouve des images semblables, pendant la guerre d'Algérie.


    A cette époque, il n'y avait pas de Taliban, ni Al Qaïda, juste des nationalistes Algériens. Après la prise de pouvoir du FLN, les mutilations se sont-elles multipliées ? Non, bien sûr…

    On en viendrait même à se dire que c'est le climat de guerre, avec toute son horreur, ses chairs meurtries, ses membres coupés, ses gueules cassées, qui banalise d'une certaine façon cette mutilation absurde, qui n'est qu'une moindre blessure parmi d'autres, souvent mortelles.

    De son côté, la voix du Djihad (site "officiel" Taliban) dément être impliqué dans cet acte contraire à la Charia, selon une traduction signalée par le site @rrêt sur images.

    Dans la lois Islamique sacrée, couper des oreilles et des nez humains, que la personne soit vivante ou morte, est illégal et interdit. Dans de nombreux hadith de Muhammad , la mutilation et le fait de couper nez, oreilles ou lèvres chez un mécréant mort a été fortement interdit, comment alors l'Emirat Islamique peut être faire une telle chose chez quelqu'un de vivant, et musulman qui plus est? Dans la Sharia, si quelqu'un commet un acte aussi haineux en toute injustice, il sera récompensé par la loi du Talion.

    Nous sympathisons avec notre soeur Aisha et nous appelons cet acte atroce un crime contre l'humanité et contre la loi Islamique.


    D'une propagande à l'autre, qui croire ? Que chacun se fasse sa propre opinion, voici simplement quelques éléments de réflexion.


    Auteur : Rimbus - Source : Rimbus le blog

     

     

    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=14916


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    Vent


    Je me rappelle qu'au lycée, notre professeur d'économie nous avait fait participer à une aventure intéressante : la mise en place d'un sondage. Au début le professeur était très motivé à cette idée, et nous-mêmes étions pleins de bonne volonté…  mais cela ne dura pas longtemps : nous avons appris comment se fabriquaient les sondages.

    Les sondages sont des projections chiffrées à grande échelle de l'opinion à partir d'un échantillon représentatif sur un territoire donné, à un moment donné : c'est à dire du vent. De quelque côté qu'on les prenne, les sondages se basent sur des statistiques obtenues par des moyens subjectifs, et interprétées par des analyses tout aussi subjectives, et ne finissent par dire que ce qu'on veut bien leur faire dire.

    Regardons un peu les choses de plus près, et réfléchissons.

    Tout d'abord, il faut pour faire un sondage avoir une ou plusieurs questions à poser, ce qui signifie déjà avoir une idée des réponses que l'on cherche à obtenir, ainsi qu'une opinion naturelle qu'on ne peut exclure de son esprit.
    Cette (ou ces) question (s) doivent être formulées en un langage clair et compréhensible de tous, ce qui implique la capacité de savoir lire, et exclut de fait quelques pourcents d'aveugles ou d'illettrés, ou d'étrangers (même parlant français). Il faut également que les mots employés soient neutres pour ne pas influencer la réponse, ce qui est dans la réalité presque impossible à faire. Je ne me rappelle plus le sujet de notre sondage, mais je me souviens que peu après le commencement les débats étaient déjà houleux, et le programme en retard : la simple formulation des questions étant déjà une prise de position,  il semblait impossible d'en trouver la neutre expression.

    Mais ne nous arrêtons pas là, et voyons la suite

    Une fois les questions et les réponses déterminées, il faut se décider sur le territoire sur lequel s'applique le sondage (il y a plus de paysans en province que dans la région parisienne par exemple) car la définition de l'échantillon représentatif en dépend. Ainsi que le moment choisi pour le faire : après un fait divers sordide ou dans le calme d'une période festive comme celle de noël, et tout est différent! Notre territoire était donc le lycée, et notre population totale composée de deux à trois cents personnes, si ma mémoire est bonne (ou moins de 1000 en tous cas). Enfin un nombre raisonnable au regard de nos capacités d'analyse, compte tenu de la trentaine d'élèves composant notre “institut”.
    Pour finir l'établissement de ce sondage, il faut bien sûr le plus important des ingrédients, c'est à dire la détermination de l'échantillon représentatif, qui doit nécessairement évoluer en fonction de l'évolution de la population, c'est à dire du temps qui passe : en 1900, la proportion de certaines catégories socio-professionnelles n'est pas la même qu'en 1945 ou en 2010. Et c'est durant cette étape de détermination de l'échantillon représentatif que notre professeur a commencé à craquer : face à la difficulté de sélectionner les facteurs selon lesquels seraient établies les distinctions, face à la subjectivité qu'entraînait chaque choix, nous avons du nous rendre à l'évidence, à savoir qu'un sondage ne pouvait absolument pas être objectif.

    Car que doit représenter l'échantillon ? En théorie l'ensemble de la population si le sondage est national, et le département s'il est départemental. Ce qui signifie que faire un sondage national est censé représenter ce qu'on a par ailleurs tant de mal à définir : l'identité nationale. On commence à voir les difficultés de cette définition dès le départ, mais ne flanchons pas : sachant qu'en général les sondages sont effectués sur une population d'environ mille personne, cela signifie que cet échantillon (sans autre valeur que le hasard) représente environ 1/65000 de la population totale (en gros), dans lequel il faudra tenter de trouver les personnes correspondant à tous les critères de représentativité. Cette notion n'est évidemment pas neutre, et ne peut l'être. Mais certains l'ont tenté quand même : si les paysans représentent tant de pourcents de la population française, alors il faut tant de paysans interrogés dans les mille personnes. Si ce paysan est plutôt à droite, il faut savoir, sur le nombre de paysans français, la proportion de paysans votant à droite. Si son salaire est supérieur à telle somme ou propriétaire de son exploitation, s'il est marié, pacsé, gay ou bio, cela change tout. Ainsi pour le médecin, le chômeur, la femme de ménage ou le plombier.

    L'échantillon représentatif est donc une chimère qui ne peut être atteinte, car elle doit faire rentrer dans des cases de multiples paramètres que même des ordinateurs puissants ne peuvent facilement corréler, même sur mille personnes. Car il y a des marges d'erreurs acceptés dans ces sondages, qui proportionnés à l'échelle de la réalité font peur à voir : il est impossible d'obtenir un échantillon représentatif « représentatif », car nul ne sait ce qu'est la France. Et encore moins lorsqu'il s'agit de la réduire à un millier d'individus.

    Mais toutes ces difficultés n'effraient pas nos instituts de sondages, dont le peuple comme le pouvoir sont si friands, comme un symbole de la soumission de tous à la loi du chiffre, celle qui veut absolument faire rentrer l'homme dans des cases, et le transformer en une succession de 1 et de 0.

    Alors que notre professeur et nous tous avions déjà abandonné la partie, après plusieurs semaines de travail, de questionnements et d'embrouilles incalculables, les véritables sondeurs “professionnels”, eux, ne s'arrêtent pas là. Car il faut avouer que si notre professeur faisait partie des rares personnes qui ont l'honnêteté de reconnaître l'impossible tâche que constitue la fabrique d'un sondage, cela ne rebute pas les instituts bien connus de le faire, surtout lorsque l'activité est si lucrative…il leur faut donc passer à l'étape suivante, assumer leur orientation et leurs choix de sondeurs, et  poser leurs questions.

    Et après avoir posé leurs questions à l'échantillon, les réponses viennent se placer dans de gigantesques tableaux pour se faire analyser, afin de soumettre au commun des mortels une interprétation des chiffres obtenus, incompréhensibles sans la traduction en un langage soi-disant objectif (après toutes ces subjectivités  additionnées). Si, par exemple, 80% des gens pensent que l'on doit mettre les étrangers dans des camps, cela signifie en réalité que 80% des personnes ayant répondu à une question tendancieuse, parmi un groupe de personnes choisies plus ou moins arbitrairement, selon des critères douteux et à un moment inopportun, ont vu leur réponse interprétée de telle manière qu'on puisse croire qu'ils le souhaitent.

    Ainsi, l'orientation nécessairement délibérée que l'on trouve dans les sondages répétés par les médias  ne dépend pas de l'opinion réelle d'une population donnée, mais de la volonté initiale des commanditaires de ces derniers. En bons capitalistes qui se respectent, les instituts de sondage font comme les peintres en bâtiment : ils sont toujours d'accord avec la couleur choisie par celui qui les paye. C'est pour cela que les sondages payés par ceux de droite les conforte toujours, et que ceux payés par ceux de gauche s'y opposent… Et comme à droite on a plus de sous, la voix porte plus loin! Le sondage, c'est du vent, et le plus fort souffle sur l'opinion, jusqu'à être capable de l'influencer dans une direction choisie.

     

    Caleb Irri

    http://calebirri.unblog.fr

     

    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=14985

     

     

     

    L'intox vient à domicileLe Figaro, du 6 août, a publié, en première page, un sondage Ifop, selon lequel 70% des personnes interrogées se disaient en faveur de la déchéance de nationalité pour les personnes d'origine étrangère, coupables d'atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

    Le Figaro est le Journal officiel, sinon de la République, du moins du régime. Cette annonce, présentée comme une information de première importance, avait pour objet de faire croire, non seulement aux lecteurs mais également aux Français, que cette politique ultra sécuritaire était adoubée par la grande majorité de ceux-ci.

    On assistait là, selon le quotidien, à un retournement de situation quant à la popularité de Nicolas Sarkozy, abonné aux basses eaux depuis des mois.

    Il s’agissait donc d’un véritable évènement politique.

     

    Patatras ! Selon un sondage CSA, publié vendredi 13 août, on y apprend que 51% des Français sont «plutôt défavorables» au retrait de nationalité comme sanction (63% des sympathisants de gauche, 28% des sympathisants de droite).

    Et que 69% des sondés jugent cette politique sécuritaire inefficace. (27% pensant le contraire) Même les sympathisants de droite dénoncent son inefficacité, à hauteur de 53% contre 72% pour les sympathisants de gauche.

    Dans le détail, les Français dans leur ensemble estiment qu'elle s'est montrée plutôt inefficace pour lutter contre les atteintes aux biens (58%), les atteintes aux personnes (69%), la délinquance financière (72%) et surtout les violences urbaines (78%).

    Sur la question de la déchéance de la nationalité, évoquée par le chef de l'Etat pour les Français d'origine étrangère, coupables de certains crimes et délits, les sondés sont partagés.

    Ainsi, 46% se déclarent favorables à la mesure "car l'acquisition de la nationalité doit être remise en cause en cas d'acte grave" alors que 51% y sont plutôt défavorables "car tous les Français doivent être égaux devant la loi quelle que soit leur origine".Pour les trois-quarts des personnes interrogées, "les Français d'origine étrangère sont des Français à part entière".

    Interrogés sur les causes de l'augmentation de la délinquance, 73% l'attribuent aux inégalités sociales (dont 68% de sympathisants de droite).

    Enfin, les deux-tiers des personnes sondées par CSA (66%) estiment que les Français qui s'exilent pour ne pas payer d'impôts en France ne méritent pas la nationalité française.

    Ajoutons que le sondage ifop du Figaro, effectué à partir d’internet, a été qualifié de « bidon » par les autres instituts.

    Il ne visait qu’à influencer la population, en diffusant l’idée que, grâce à sa politique, ouvertement calquée sur celle du Front national, Nicolas Sarkozy récupérerait, comme en 2007, les électeurs de ce mouvement.

    Le sondage de CSA prouve le contraire.

    Même Alain Juppé « s'interroge sur la politique sécuritaire du gouvernement », jugeant que «notre pays n’est pas à feu et à sang». ..

    Selon lui, «durcir la loi» (…) «est peut être nécessaire», «à condition que la loi nouvelle ne soit pas de pure circonstance ».

     

    Frédéric Lefebvre serait-il le dernier à croire Le Figaro ?

    Image ajoutée par Dazibaoueb


    Auteur : Jean LEVY - Source : canempehepasnicolas


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  • 12/08/2010

    La France doit répondre jeudi matin aux vives critiques faites la veille par les experts du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU (CERD) qui ont dénoncé "une recrudescence" des actes racistes dans le pays.

    Selon le processus habituel de passage en revue des politiques envers les minorités des pays appliquant la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, l'examen de deux jours de la France a commencé mercredi après-midi et doit se terminer jeudi à 11H00 GMT.

    Mercredi, la délégation française a présenté son rapport de près de 90 pages sur les mesures prises par Paris depuis son dernier examen devant le CERD en 2005.
     
    Elle a annoncé le lancement très attendu par le comité d'un plan national de lutte contre le racisme. Mais cette annonce n'a pas suffi à convaincre les 18 experts du comité, dont les critiques ont fusé durant un débat intense de plus de deux heures.
      
    La France est confrontée à une "recrudescence notable du racisme et de la xénophobie", a relevé l'expert togolais, Ewomsan Kokou.
      
     Pour le Rapporteur américain Pierre-Richard Prosper, la raison se résume en quelques mots: le manque "de vraie volonté politique".
     
    Alors que les ONG dénoncent une "régression vers une rupture de l'égalité de traitement", les experts du comité n'ont épargné aucun sujet, que ce soit le traitement des gens du voyage et des Roms, le débat sur l'identité nationale, la non-reconnaissance du droit des minorités dans la législation, ainsi que le durcissement du discours politique.
     
    Concernant les gens du voyage, certains ont particulièrement dénoncé le système d'attribution de visa de circulation ainsi que le droit de vote conditionné à plusieurs mois de vie dans la même commune.
     
      "Le carnet de circulation nous effraie, nous rappelle l'époque de Pétain", a pour sa part expliqué Waliakoye Saidou (Niger).
     
    De son côté l'expert turc s'est étonné de la notion de "Français d'origine étrangère" dans une allusion direct aux récentes déclarations du président français Nicolas Sarkozy qui a réclamé que la nationalité française puisse "être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte" à un "dépositaire de l'autorité publique".
     
    "Je ne comprends pas ce que c'est qu'un Français d'origine étrangère" et "je me demande si cela est compatible avec la constitution", s'est interrogé Gun Kut.
     
    Pour Malik Salemkour de la Ligue des droits de l'homme, "la France a été mise sur le grill" comme jamais auparavant.
     
     Au total, les experts qui attendent jeudi les réponses de la France avant de dresser leurs recommandations, ont jugé que les résultats n'étaient pas à la hauteur des efforts.


    Source : Al Manar TV

    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=14966

     

     

     

    Une du TimesVu sur Le Post.

    La Une du Times fait mal !

     

     


    "Sarkozy expulse les Roms et rappelle le souvenir de la Gestapo"

    Le président est à l’origine d’une forte contestation, les critiques comparant sa répression au regroupement des Tziganes pendant la deuxième guerre mondiale.”

    Il ne s'agit que du site internet du Times, mais quand même. D'autant plus que le Times n'est pas du tout un tabloïd anglais à scandale, mais plutôt un journal sérieux et mesuré d'habitude.

    Alors, point Godwin pour le Times ?


    Auteur : Roland - Source : Le Post

     

    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=15101


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    Salim Lamrani

     

     

    La question du nombre de « prisonniers politiques » à Cuba est sujette à polémique. Pour le gouvernement cubain, il n’y a pas de prisonniers politiques à Cuba, mais des personnes condamnées pour des délits inscrits au code pénal, notamment le fait d’être financé par une puissance étrangère. Amnesty International (AI), quant à elle, recense dans son rapport 2010 « 55 prisonniers d’opinion1 », parmi lesquels 20 ont été libérés en juillet 2010 et 6 autres le 15 août 2010, suite à la médiation de l’Eglise catholique et de l’Espagne, et deux autres auparavant2. Donc, selon AI, il reste actuellement 27 « prisonniers politiques » à Cuba. Enfin, l’opposition cubaine et Elizardo Sánchez de la Commission des droits de l’homme et de la réconciliation nationale (CDHRN) en particulier évoquent le nombre de 147 prisonniers politiques, moins les 6 récemment libérés, soit 1413. Les médias occidentaux privilégient cette dernière liste.


    Il convient d’abord de faire la lumière sur un aspect de cette question avant d’évoquer le sujet du nombre exact de « prisonniers politiques » dans l’île : l’existence ou non d’un financement de l’opposition cubaine par les Etats-Unis.

    Cette politique, clandestine entre 1959 et 1991, est désormais publique et attestée par maintes sources. En effet, Washington reconnaît cette réalité dans plusieurs documents et déclarations officiels. La loi Torricelli de 1992, et plus particulièrement la section 1705, stipule que « les Etats-Unis fourniront une assistance, à des organisations non gouvernementales appropriées, pour soutenir des individus et des organisations qui promeuvent un changement démocratique non violent à Cuba4 ». La loi Helms-Burton de 1996 prévoit, à la section 109, que « le Président [des Etats-Unis] est autorisé à fournir une assistance et offrir tout type de soutien à des individus et des organisations non gouvernementales indépendantes pour soutenir des efforts en vue de construire la démocratie à Cuba5 ». Le premier rapport de la Commission d’assistance à une Cuba libre, adopté le 6 mai 2004, envisage la mise en place d’un « solide programme de soutien favorisant la société civile cubaine ». Parmi les mesures préconisées, un financement à hauteur de 36 millions de dollars est destiné au « soutien de l’opposition démocratique et au renforcement de la société civile émergeante6 ». Le second rapport de la même Commission, rendu public le 10 juillet 2006, prévoit un budget de 31 millions de dollars pour financer l’opposition interne7. Le rapport prévoit également « d’entraîner et d’équiper des journalistes indépendants de la presse écrite, radiophonique et télévisuelle à Cuba8 ».

     

    La représentation diplomatique étasunienne à La Havane, la Section d’intérêts nord-américains (SINA) confirme cela dans un communiqué : « Depuis longtemps, la politique des Etats-Unis consiste à fournir une assistance humanitaire au peuple cubain, particulièrement aux familles des prisonniers politiques. Nous permettons également aux organisations privées de le faire9 ».

     

    Laura Pollán, du groupe dissident « les Dames en Blanc », admet avoir reçu de l’argent des Etats-Unis10 : « Nous acceptons l’aide, le soutien, que ce soit de l’extrême droite ou de la gauche, sans conditions11 ». L’opposant Vladimiro Roca confesse que la dissidence cubaine est stipendiée par Washington tout en rétorquant que l’aide financière reçue est « totalement et complètement légale ». Pour le dissident René Gómez, le soutien financier de la part des Etats-Unis n’est « pas une chose qu’il faudrait cacher ou dont il faudrait avoir honte12 ». De la même manière, Elizardo Sánchez confirme l’existence d’un financement de la part des Etats-Unis : « La question n’est pas de savoir qui envoie de l’aide mais ce que l’on en fait13 ».

    La presse occidentale admet cette réalité. L’Agence France-Presse informe que « les dissidents ont pour leur part revendiqué et assumé ces aides financières14 ». L’agence espagnole EFE fait allusion aux « opposants payés par les Etats-Unis15 ». L’agence de presse britannique Reuters, « le gouvernement étasunien fournit ouvertement un soutien financier fédéral pour les activités des dissidents, ce que Cuba considère comme un acte illégal16 ». L’agence de presse étasunienne The Associated Press reconnaît que la politique de fabriquer et financer une opposition interne n’était pas nouvelle : « Depuis des années, le gouvernement des Etats-Unis a dépensé des millions de dollars pour soutenir l’opposition cubaine17 ». Elle précise : « Une partie du financement provient directement du gouvernement des Etats-Unis, dont les lois préconisent le renversement du gouvernement cubain. L’agence internationale pour le développement des Etats-Unis (USAID), qui supervise le soutien financier du gouvernement pour une ‘transition démocratique’ à Cuba, a alloué plus de 33 millions de dollars pour la société civile cubaine pour la présente année fiscale18 ».

     
    Wayne S. Smith est un ancien diplomate étasunien qui a été chef de la SINA à La Havane de 1979 à 1982. Selon lui, il est « illégal et imprudent d’envoyer de l’argent aux dissidents cubains19 ». Il a ajouté que « personne ne devrait donner de l’argent aux dissidents et encore moins dans le but de renverser le gouvernement cubain » car « lorsque les Etats-Unis déclarent que leur objectif est de renverser le gouvernement cubain, et qu’ensuite ils affirment qu’un des moyens pour y parvenir est de fournir des fonds aux dissidents cubains, ces derniers sont placés de facto dans la position d’agents payés par une puissance étrangère pour renverser leur propre gouvernement20 ».

    Evoquons à présent la position d’Amnesty International. L’organisation fait état de 27 prisonniers politiques à Cuba au 15 août 2010. Or, elle reconnaît en même temps que ces personnes ont été condamnées « pour avoir reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba21 ». Ainsi, l’organisation entre en contradiction car le droit international considère comme illégal le financement d’une opposition interne dans une autre nation souveraine. Tous les pays du monde disposent d’un arsenal juridique codifiant comme délits de telles conduites. Ainsi, les législations étasunienne et européennes, entre autres, sanctionnent lourdement le fait d’être stipendié par une puissance étrangère.

    La liste élaborée par Elizardo Sánchez est plus longue et inclut tout type d’individus. Parmi les 141 noms, 10 autres avaient déjà été remis en liberté pour des raisons de santé, ce qui fait un total de 131 personnes. Au sujet de ces dix personnes, Sánchez a expliqué qu’il les maintenait dans sa liste car elles pouvaient être de nouveau incarcérées dans le futur. Quatre autres personnes ont accompli leur peine et sont sorties de prison. Il reste donc 127 individus. 27 autres personnes doivent être libérées d’ici le mois d’octobre, selon l’accord passé entre La Havane, l’Espagne et l’Eglise catholique.

    Sur les 100 individus restant, près de la moitié ont été condamnés pour des crimes violents. Certains ont réalisé des incursions armées à Cuba et au moins deux d’entre eux, Humberto Eladio Real Suárez et Ernesto Cruz León, sont responsables de la mort de plusieurs civils, respectivement en 1994 et en 199722.

     

    Ricardo Alarcón, président du Parlement cubain, n’a pas manqué de souligner ces contradictions : « Curieusement, ceux qui nous critiquent parle d’une liste [et pas de noms]. Pourquoi ne disent-ils pas qu’ils sont en train de demander la liberté de la personne qui a assassiné Fabio di Celmo23 ? ».

     

    Associated Press (AP) a également souligné le caractère douteux de la liste de Sánchez et note que « plusieurs d’entre eux ne devraient normalement pas être considérés comme des prisonniers politiques ». « Une étude plus attentive permet de voir la présence de terroristes, de preneurs d’otages et d’agents étrangers ». AP note que parmi les 100 personnes restantes, « près de la moitié ont été condamnées pour terrorisme, prise d’otages et autres crimes violents, et quatre d’entre eux sont d’anciens militaires ou agents des services de renseignement condamnés pour espionnage ou pour avoir révélé des secrets d’Etat24 ».

     
    De son côté, Amnesty International affirme qu’elle ne peut pas considérer les membres de la liste de Sánchez comme des « prisonniers de conscience » car elle inclut « des gens jugés pour terrorisme, espionnage ainsi que ceux qui ont tenté et même réussi à faire exploser des hôtels », indique l’organisation. « Nous ne demanderons certainement pas leur libération et ne les décrirons pas comme prisonniers de conscience25 ».

     

    Miguel Moratinos, ministre des Affaires étrangères espagnol, qui a joué un rôle clé dans l’accord portant sur la libération de 52 prisonniers, a également mis en doute la liste de Sánchez et souligné son caractère aléatoire. : « Ne dites pas qu’il faut libérer 300 prisonniers car il n’y en a pas 300. La liste de la Commission des droits de l’homme de Cuba disait, une semaine avant mon arrivée, qu’il y en avait 202. A mon arrivée à Cuba, elle a affirmé la veille qu’il y en avait 16726 ».

     

    A l’issue de la libération des autres 27 personnes incluses dans l’accord de juin 2010, il ne restera qu’un seul « prisonnier politique » à Cuba, Rolando Jimenez Pozada, selon Amnesty International. Associated Press note pour sa part que ce dernier a en réalité été « emprisonné pour désobéissance et pour avoir révélé des secrets d’Etat27 ».

     

    Curieusement, la liste dressée par Sánchez, qui est la moins fiable et qui est dénoncée de toutes parts en raison de l’inclusion d’individus condamnés de graves actes de terrorisme, est privilégiée par la presse occidentale.

     

    Le gouvernement cubain a effectué un geste notable en procédant à la libération des prisonniers considérés comme « politiques » par les Etats-Unis et certaines organisations telles qu’Amnesty International. Le principal obstacle à la normalisation des relations entre Washington et La Havane – du point de vue de l’administration Obama – est désormais levé. Il revient donc à la Maison-Blanche d’effectuer un geste de réciprocité et de mettre un terme aux sanctions économiques anachroniques et inefficaces contre le peuple cubain.

     

     

    Notes

     

    1 Amnesty International, « Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde », mai 2010. http://thereport.amnesty.org/sites/default/files/AIR2010_AZ_FR.pdf  (site consulté le 7 juin 2010), pp. 87-88.

     

    2 EFE, « Damas piden a España acoger a más presos políticos », 25 juillet 2010 ; Carlos Batista, « Disidencia deplora ‘destierro’ de ex presos », El Nuevo Herald, 15 août 2010.

     

    3 EFE, « Damas piden a España acoger a más presos políticos », 25 juillet 2010

     

    4 Cuban Democracy Act, Titre XVII, Section 1705, 1992.

     

    5 Helms-Burton Act, Titre I, Section 109, 1996.

     

    6 Colin L. Powell, Commission for Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States Department of State, mai 2004). www.state.gov/documents/organization/32334.pdf (site consulté le 7 mai 2004), pp. 16, 22.

     

    7 Condolezza Rice & Carlos Gutierrez, Commission for Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States Department of State, juillet 2006). www.cafc.gov/documents/organization/68166.pdf (site consulté le 12 juillet 2006), p. 20.

     

    8 Ibid. p. 22.

     

    9 The Associated Press/El Nuevo Herald, « Cuba : EEUU debe tomar ‘medidas’ contra diplomáticos », 19 mai 2008.

     

    10 The Associated Press, « Cuban Dissident Confirms She Received Cash From Private US Anti-Castro Group », 20 mai 2008.

     

    11 El Nuevo Herald, « Disidente cubana teme que pueda ser encarcelada », 21 mai 2008.

     

    12 Patrick Bèle, « Cuba accuse Washington de payer les dissidents », Le Figaro, 21 mai 2008.

     

    13 Agence France-Presse, « Prensa estatal cubana hace inusual entrevista callejera a disidentes », 22 mai 2008.

     

    14 Agence France-Presse, « Financement de la dissidence : Cuba ‘somme’ Washington de s’expliquer », 22 mai 2008.

     

    15 EFE, « Un diputado cubano propone nuevos castigos a opositores pagados por EE UU », 28 mai 2008.

     

    16 Jeff Franks, « Top U.S. Diplomat Ferried Cash to Dissident : Cuba », Reuters, 19 mai 2008.

     

    17 Ben Feller, « Bush Touts Cuban Life After Castro », Associated Press, 24 octobre 2007

     

    18 Will Weissert, « Activistas cubanos dependen del financiamiento extranjero », The Associated Press, 15 août 2008.
     

    19 Radio Habana Cuba, « Former Chief of US Interests Section in Havana Wayne Smith Says Sending Money to Mercenaries in Cuba is Illegal », 21 mai 2008.

     

    20 Wayne S. Smith, « New Cuba Commission Report : Formula for Continued Failure », Center for International Policy, 10 juillet 2006.

     

    21 Amnesty International, « Cuba. Cinq années de trop, le nouveau gouvernement doit libérer les dissidents emprisonnés », 18 mars 2008. http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/cuba-five-years-too-many-new-government-must-release-jailed-dissidents-2 (site consulté le 23 avril 2008).

     

    22 Juan O. Tamayo, « ¿Cuántos presos políticos hay en la isla? », El Nuevo Herald, 22 juillet 2010

     

    23 José Luis Fraga, « Alarcón : presos liberados pueden quedarse en Cuba y podrían ser más de 52 », Agence France-Presse, 20 juillet 2010.

     

    24 Paul Haven, « Number of Political Prisoners in Cuba Still Murky », The Associated Press, 23 juillet 2010.

     

    25 Ibid.

     

    26 EFE, « España pide a UE renovar relación con Cuba », 27 juillet 2010.

     

    27 Paul Haven, « Number of Political Prisoners in Cuba Still Murky », op. cit.

     

     

    Salim Lamrani est enseignant chargé de cours à l’Université Paris-Sorbonne-Paris IV et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions Estrella, 2009).

    Disponible en librairie et sur Amazon :
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    Pour toute commande dédicacée, contacter directement : lamranisalim@yahoo.fr , Salim.Lamrani@univ-mlv.fr


    Salim Lamrani est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.  Articles de Salim Lamrani publiés par Mondialisation.ca

     

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    Le Cri, de Munch

    Une histoire vraie: Les aventures de Maryse au Pôle Emploi

    "C’est ainsi quand on vit sous la dépendance des administrations"

    Ce qui suit n’est pas de la fiction. N’hésitez pas à réagir en bas de page…

    Maryse ouvrit la boîte à lettres comme chaque jour, avec la peur au ventre. Elle avait l’habitude des mauvaises surprises qui l’attendaient au courrier presque quotidiennement.

    Pas de cartes postale de Tahiti, mais ce pouvaient être des factures plus lourdes que prévues, des lettres en recommandé qui n’étaient jamais de bonnes nouvelles, des mises en demeure ou encore des erreurs de la part de la CAF qui lui demandait un trop perçu ou des ASSEDIC qui lui annonçaient la fin de ses allocations de chômage…

    C’est ainsi quand on vit sous la dépendance des administrations : il n’y a jamais de repos ni de répit. Jamais de tranquillité d’esprit où l’on peut se reposer et se dire : "Bon, là maintenant je suis en sécurité, j’ai de quoi vivre et nourrir ma famille, j’ai de quoi voir venir et assumer les erreurs administratives et les factures imprévues avec sérénité."

    Si déjà elle pouvait se dire : "Bon, j’ai de quoi nourrir la famille jusqu’à la fin de la semaine et payer mes factures", ce serait déjà une forme de paradis. Mais les prélèvements bancaires, les dettes, les étalements de factures à payer tous les mois, la menace d’être fichée à la Banque de France, les huissiers…

    Encore faut-il avoir des revenus réguliers ! Ce n’est pas le cas de Maryse. Parfois, elle a un peu de travail, parfois ses enfants sont malades ou bien elle déprime et n’arrive pas à se lever de bonne heure pour se rendre à son stage d’insertion ou à son poste en CAE (contrat aidé).

    Car du travail, elle n’en a pas régulièrement et donc, ses revenus sont aléatoires et fluctuants. Parfois, elle perçoit des allocations d’ASSEDIC ou le RMI (maintenant RSA, bien plus compliqué qu’avant). La CAF lui demande de justifier ses revenus tous les mois, le Pôle Emploi la convoque pour lui demander de justifier ses recherches d’emploi… Elle doit se justifier sans arrêt comme si elle était coupable de quelque chose. Coupable de quoi ? D’être pauvre et de santé fragile, d’avoir du mal à s’en sortir ? D’avoir eu un accident de vie dans sa jeunesse ? De s’être retrouvée seule avec ses enfants ???

    Elle se sent mal à l’aise devant sa boîte aux lettres comme devant l’employée qui l’a culpabilisée l’autre jour de n’avoir pas assez de pièces justifiant ses recherches d’emploi, de n’avoir pas assez écrit de lettres et de CV - mais à quoi ça sert un CV, s’il en arrive tous les jours des dizaines et que vous n’avez pas de facilités pour la rédaction des lettres ? En plus, on sait bien que ça ne marche plus d’écrire…

    Elle fait ce qu’elle peut Maryse, elle se bat pour s’en sortir, mais c’est un parcours du combattant tous les jours et l’on n’a pas le droit de baisser les bras et de dire "Ouf ! Je suis fatiguée !" C’est chaque jour un nouveau combat.

    Ca y est, elle le savait ! Encore une lettre du Pôle Emploi qui la menace de radiation. Pourtant, elle est allée hier leur expliquer pourquoi elle n’avait pas pu venir à la réunion. Son petit était malade et elle n’avait personne pour le garder. Ils font quoi les employés du Pôle Emploi, quand leur enfant est malade ? Ils prennent un congé ou se payent une nounou parce qu’ils ont un salaire et des droits… Quand on n’a pas de salaire, ni de travail, on n’a pas de droits ??? On n’a que le droit de se taire et d’obéir. On est en tort de toutes façons ! On peut venir à toutes les réunions, les convocations, parce qu’il paraît qu’on n’a que ça à faire !

    Elle sent la colère monter. C’est injuste. Elle va lui dire à la femme du Pôle Emploi !… Mais elle se souvient tout à coup qu’elle ne peut pas téléphoner puisque la ligne vient d’être coupée pour non paiement… Quant au portable, elle n’a pas eu de quoi racheter une carte pour le recharger. Elle va devoir prendre le bus ou le train, car elle n’habite pas à côté !

    Ca va lui prendre l’après midi. Il faut se dépêcher, ils ferment à 16h. Elle va devoir faire la queue longtemps (les chômeurs ça ne manque pas), debout devant le guichet où l’employée est assise, elle, et expliquer son cas. On lui donnera l’autorisation d’expliquer "son cas" une deuxième fois en utilisant le téléphone au milieu de la salle, là bas.

    - "Non, Madame, un conseiller ne peut pas vous recevoir. Il faut demander un rendez-vous et vous serez "convoquée". On ne peut plus recevoir les gens comme ça", trop de travail…"

    "Travail" : un mot à ne pas trop prononcer devant un chômeur, ça risque de le mettre en colère.

    Alors, elle prendra le combiné, fera le 3949 et tout le monde entendra sa conversation… Le 39-quelque chose, ces fameux numéros où l’on tombe sur une boîte vocale qui vous demande de faire d’abord le numéro du département de résidence puis de vous munir de votre numéro d’identifiant… Puis vous devrez choisir quelle est la raison de votre appel et faire le 1 ou le 2 ou autre et attendre jusqu’au bout l’énumération des choix. Si vous ne trouvez pas tout de suite la bonne réponse, si vous trompez, vous revenez à la case départ et vous n’avez plus qu’à recommencer ce petit jeu de patience.
    C’est un jeu que notre société vient d’inventer pour éviter d’être confrontée au public trop directement.

    Il faut beaucoup de contrôle à Maryse pour ne pas s’énerver, pour garder son calme. Elle sait que tout ceci est fait pour décourager les gens et les pousser à renoncer à leur demande. Alors elle pense à ses enfants, s’arme de courage et reste impassible devant la voix qui lui dit : "Il y a une minute d’attente"… "Cette fois, c’est mon jour de chance, ils n’ont pas dit : "Tous nos conseillers sont occupés, rappelez ultérieurement !"", se dit-elle pour se réconforter. Ca, pour patienter, elle patiente, elle n’a pas le choix, sa vie et celle de sa famille en dépendent.
    C’est comme ça qu’elle vide son forfait téléphonique à chaque fois !

    Hier, il a fallu rappeler EDF pour qu’ils rebranchent l’électricité et France Télécom également. "Eh bien, ma carte de téléphone y est passée", explique-t-elle à sa voisine qui connaît bien les mêmes problèmes.

    "C’est du harcèlement", dit-elle, exténuée à l’idée de tout ce qu’elle devra faire cet après-midi pour simplement qu’ils ne lui coupent pas ses allocations de chômage, car ce serait la fin ! Plus de chômage, plus de revenus et c’est à nouveau le cercle infernal. Il faudra encore courir voir l’assistante sociale, lui expliquer "son cas" et "quémander" un secours quelconque. Elle se sent envahie d’émotions, de peur, de colère, de tristesse…

    Et comment faire autrement ? Elle en assez de demander de l’aide, elle aimerait bien que tout redevienne comme avant et pouvoir retrouver son équilibre et son indépendance. Ils ne roulaient pas sur l’or, mais avec deux salaires même ridiculement bas, ils s’en sortaient tout juste sans rien demander à personne.

    "Mais on ne choisit pas, c’est comme ça", dit-elle à sa voisine en rentrant chez elle avec son courrier brûlant dans les mains… Elle pense tout à coup qu’elle va devoir demander à quelqu’un de prendre les enfants à l’école, elle ne sera pas à temps pour la sortie. Sinon, on va encore lui faire des remarques, parce qu’on aura dû les mettre à la garderie, elle n’était pas là à l’heure… Et ses enfants auront honte que l’on réprimande leur mère devant les copains… Encore et toujours se justifier !

    Maryse se sent seule. Pourtant, elle ne l’est pas. Il y a des milliers de personnes qui souffrent de la même déshumanisation des services administratifs et de notre société en général. De leur côté, les employés ne sont pas tous inconscients et agressifs. Beaucoup font souvent ce qu’ils peuvent et disent qu’ils manquent de temps et de personnel. Si l’on rencontre directement les responsables de votre dossier, ils vous répondent souvent aimablement et vont tenter de trouver une solution. Rien ne vaut le face à face.

    A condition d’avoir pu passer les barrières de la plate forme téléphonique, des employés d’accueil qui renvoient votre problème à plus tard ou vous demandent d’écrire (un courrier qui souvent n’est pas lu ou pas enregistré à temps, alors que les courriers automatiques de radiations sont déjà partis, par exemple). Mais on tombe parfois sur les revêches, les coincés et ceux qui pensent que vous profitez de la situation.

    Les administrations seraient-elles devenues de grosses machines incontrôlables où plus personne n’est responsable de ce qui se passe et où l’on laisse sous entendre de façon pernicieuse que vous êtes forcément un profiteur, un paresseux, voire un escroc !?…

    Les médiateurs de la République, ces personnes que l’on trouvent dans les mairies ou les préfectures sont chargées de régler les rapports bloqués et les conflits qui ne manquent pas de se produire entre le public et les administrations françaises.
    Le médiateur principal a produit un dossier accablant sur les rapports déshumanisés, sur ces fameuses plates-formes téléphoniques où le public n’est jamais écouté ni les demandes prises en considération. Elles ne servent qu’à canaliser les rares individus agressifs dont les employés de la Sécu ou de Pôle emploi ont si peur.

    Mais la plupart des personnes en difficulté gardent leur calme, même si elles se sentent mal considérées, mal accueillies : tant de maltraitance et de mépris vis-à-vis de ceux que l’on pourrait nommer les plus "fragiles" mais qu’il faut plutôt appeler les plus "forts" parce qu’il faut beaucoup de force, de courage et de résistance pour se faire entendre et pour survivre dans de telles conditions !!!

    Françoise Daudeville, 25 juillet 2010


    Auteur : Françoise Daudeville - Source : ATD Quart Monde

     

    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=15072


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