• Comment les merdias falsifient les faits. Exemple du torchon Arte

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    Hezbollah : un documentaire d’Arte falsifie l’Histoire

     

     

    Le Liban, otage du Moyen-Orient ? Il aurait mieux fallu intituler ce documentaire ‘Le Liban, otage du Hezbollah’, puisque c’est ce qu’il s’évertue à nous faire croire durant 52 minutes. Réalisé par Michael Richter en 2019, et diffusé sur Arte le mardi 24 septembre à 22h25, il semble avoir été réalisé par le porte-parole de l’armée israélienne, qui est du reste longuement interviewé.

    Dans tout documentaire occidental sur le Parti de Dieu (et surtout sur une chaine dont le Conseil de surveillance est présidé par l’inénarrable Bernard-Henri Lévy),  on s’attend forcément à un parti pris anti-Hezbollah, mais le manque de subtilité et les mensonges de Michael Richter sont si grossiers et récurrents qu’ils falsifient les données les plus élémentaires, si bien que le documentaire en vient à se contredire lui-même.

    Voici les falsifications et omissions les plus spectaculaires de ce chef-d’œuvre de propagande. Nous procèderons par citations littérales de la voix off qui présente le documentaire, afin de ne pas être accusés nous-mêmes de déformer son propos.

    Michael Richter nous affirme au sujet de l’invasion israélienne de 1982, qui a constitué l’acte de naissance du Hezbollah :

    Le Hezbollah est né dans les années 1980, dans la plaine de la Bekaa, à la frontière avec la Syrie. Aujourd’hui, il contrôle cette région ainsi que des parties de Beyrouth et le Sud du pays. Pendant la guerre civile, la milice du Hezbollah s’est battue contre Israël qui avait envahi le Sud-Liban. L’armée israélienne s’est vue confrontée à une épuisante guérilla. Elle s’est finalement retirée en 2000, après un accord de paix. Le Hezbollah s’est attribué tout le mérite de cette victoire.

    Tout historien, spécialiste ou simple connaisseur ne peut que bondir face à de telles affirmations. Au-delà du fait qu’en 1982, Israël a envahi non seulement le Sud mais la moitié du Liban, parvenant jusqu’à Beyrouth et occupant la capitale  –ce n’est qu’en 1985 qu’Israël s’est retiré au sud du Litani, face aux attaques croissantes du Hezbollah–, avec qui Israël aurait-il conclu un accord de paix ? S’il s’agit de l’accord conclu entre Israël et le gouvernement phalangiste d’Amine Gemayel le 17 mai 1983, il n’a été appliqué par aucune des deux parties, et a été révoqué moins d’un an plus tard par le Liban. Ni le Hezbollah, ni l’Etat libanais ne reconnaissent l’existence d’Israël, et la Résistance Islamique s’enorgueillit justement d’avoir expulsé progressivement l’occupant israélien par la seule force des armes, sans jamais s’assoir à une quelconque table des négociations ou conclure le moindre accord avec l’ennemi. Seul un ignare, ou plutôt un propagandiste pro-israélien, peut proférer de telles énormités.

    Invasion israélienne du Liban en 1982 (Opération ‘Paix en Galilée’)

    Du reste, plus tard, le documentaire précisera bien que l’Etat libanais ne reconnait pas Israël (‘Aujourd’hui encore, Israël et le Liban sont en état de guerre, et n’entretiennent pas de relations diplomatiques’).

    De plus, le Hezbollah est bien le seul à ne pas s’attribuer tout le mérite de cette victoire : alors qu’il en est le principal auteur, ce que reconnait le monde entier, il ne cesse, dans une perspective d’unité, de proclamer que c’est la victoire de tout le Liban et de tous les peuples arabo-musulmans et non celle du seul Hezbollah. Dès le discours du 26 mai 2000, Nasrallah rendait hommage à tous les artisans de cette victoire, qu’il s’agisse de toutes les forces libanaises et résistantes au Liban (Hezbollah, Amal, forces libanaises nationalistes, factions palestiniennes), de l’Iran ou de la Syrie. Quiconque prétend que le Hezbollah tient des discours clivants ou exclusivistes traduit sa méconnaissance profonde du mouvement et de ses éléments de langage. Même au sujet de la guerre de 2006, il parle de la victoire de l’équation Peuple-Armée-Résistance, plaçant le principal élément en dernier.

    Enfin, le Hezbollah ne ‘contrôle’ aucune partie du territoire libanais. Il ne pallie l’absence de l’Etat que dans la lutte face à Israël et dans l’action sociale à destination des plus démunis, et se refuse farouchement à tout rôle d’administration ou de police.

    Une autre contradiction de ce documentaire, qui s’acharne à faire du Hezbollah un corps étranger au Liban alors qu’il en représente la plus importante des communautés (30% des Libanais sont chiites), est que malgré le fait qu’il précise bien que le Hezbollah soit né pour résister à l’invasion du Liban par Israël, Michael Richter affirme que

    A l’origine, le Hezbollah était censé défendre les intérêts des chiites face aux sunnites, plus puissants, l’Iran lui apportant un soutien financier et technique. Mais ensuite, les Israéliens ont occupé le pays.

    Plus loin dans le documentaire, bis repetita :

    Le Parti de Dieu, créé à l’origine pour représenter les intérêts des chiites au Liban, est devenu une force qui pèse sur l’équilibre de tout le Moyen-Orient.

    Comment le Hezbollah aurait-il pu avoir un but avant même sa naissance ? On nage dans l’absurde. Cette accusation est non seulement fausse, mais logiquement impossible. C’est la Résistance et non le sectarisme qui est la raison d’être du Hezbollah. Par ailleurs, en quoi la Résistance contre un occupant pourrait-elle constituer un acte sectaire, profitant aux seuls chiites et non pas à l’ensemble du Liban ? Qui prétendrait que les résistants français au nazisme, parce qu’ils avaient également une coloration communiste ou gaulliste par exemple, n’étaient pas des patriotes, du simple fait de leur appartenance politique (ou a fortiori religieuse) ? Il s’agit manifestement de nier au Hezbollah son patriotisme et son attachement à la libération du pays et à sa souveraineté, alors même que c’est la seule force armée qui n’a pas participé à la guerre civile, ciblant exclusivement l’occupant israélien, tandis que les autres factions s’entretuaient. La vérité est que le Hezbollah est né pour combattre Israël, et que par la suite, les chiites du sud étant la population la plus pauvre et la plus négligée du pays, et la plus touchée par l’invasion israélienne du fait de son importante présence au Sud-Liban, le Parti de Dieu a également mené des activités sociales pour pallier l’absence de l’Etat et soulager les souffrances des populations.

    La guerre civile est présentée de manière très sommaire, et pour cause :

    Au début, les phalanges chrétiennes se battaient contre les Palestiniens de l’OLP, qui menaçaient de prendre le contrôle de Beyrouth. Puis le conflit s’est élargi, et a opposé chrétiens et nationalistes arabes. Enfin, Israël a envahi le Sud-Liban : c’est à cette époque que s’est formé le Hezbollah. La guerre a fait des dizaines de milliers de victimes, et laissé un pays exsangue.

    Les chrétiens maronites, qui sont des catholiques orientaux, ont été les plus grands perdants de la guerre civile. Depuis des décennies, ils dirigeaient le Liban auquel la puissance mandataire française avait accordé l’indépendance en 1943. Musulmans, druzes, orthodoxes, et toutes les autres minorités religieuses, devaient se soumettre à la suprématie économique des Maronites. Ces derniers ont payé chèrement le fait d’avoir perdu la guerre civile.

    Après la guerre, les cartes ont été rebattues. Les belligérants se sont mis d’accord sur une représentation strictement proportionnelle [faux, la proportionnelle n’a été mise en place qu’en 2018] qui tient compte des intérêts des musulmans. Chaque minorité religieuse a obtenu des postes et des privilèges qu’elle continue à défendre. La société multiculturelle s’en trouve de plus en plus fragmentée.

    Cette présentation sommaire du conflit transforme les tensions géopolitiques en problèmes sectaires, et a l’avantage de ne pas préciser clairement la responsabilité des victimes : 120 000 morts causées par la guerre civile, et plus 20 000 causées par Israël. Plutôt que de donner ces chiffres précis, Michael Richter préfère ne pas faire de distinction entre la guerre civile et l’invasion israélienne, dont ni les causes, ni les atrocités, ni les conséquences ne sont évoquées, pas même succinctement. Quant au fait que les forces armées occidentales, en particulier américaines et françaises, aient pris part à la guerre civile, aucun mot là-dessus – mais ‘l’occupant‘ syrien est dûment mentionné.

    De même, aucun mot au sujet du massacre de Sabra et Chatila, ni de la collaboration entre les Phalangistes chrétiens (dirigés par Bachir Gemayel puis Amine Gemayel) et Israël, dont le documentaire épouse ostensiblement le point de vue, sans jamais rappeler leur passé commun. Voilà comment le parti phalangiste est présenté dans le documentaire :

    Le Parti Kataeb a tout d’une forteresse. L’organisation des chrétiens maronites est dirigée par Samy Gemayel, descendant d’une fameuse dynastie d’hommes politiques du pays. Son oncle et son frère sont morts dans des attentats, mais cela ne l’empêche pas de continuer de croire en la démocratie libanaise.

    Le parti pris est manifeste. Remarquons que le terme Kataeb, qui signifie Phalanges, n’est pas traduit, certainement pour occulter sa composante fasciste et favoriser l’adhésion du public au récit, qui tient plus de la propagande voire du mythe que de l’histoire n’en déplaise aux prétentions d’Arte, selon qui ‘La THEMA du mardi est la grande soirée documentaire d’ARTE. Il y est question de société, d’économie, de géopolitique, d’histoire et de science.‘ Le fondateur du Parti, Pierre Gemayel, s’est ouvertement inspiré des phalanges espagnoles, de Mussolini et du nazisme.

    Les personnalités les plus longuement interviewées tout au long de ce documentaire ne sont autres que Samy Gemayel, dirigeant actuel de la Phalange, et Yoram Schweitzer, du Centre d’étude pour la sécurité nationale à Tel-Aviv, soit les ennemis les plus irréductibles du Hezbollah. S’ajoutent à leurs déclarations celles de ‘Boris’, un soldat israélien, et Jonathan Conricus, porte-parole de Tsahal, qui interviennent pendant plusieurs minutes. Jamais leurs propos ne sont nuancés ou remis en perspective, même lorsqu’ils accusent le Hezbollah de se cacher derrière des civils ou profèrent des absurdités selon lesquelles des centaines d’hommes pourraient lancer une attaque massive via des tunnels très étroits. Les deux seuls intervenants non manifestement partisans qu’on retrouve au long de ce documentaire sont les journalistes européens Nicholas Blanford et Daniel Gerlach. Côté sympathisants du Hezbollah, des anonymes ont droit à quelques secondes d’antenne. Mais Laury Haytayan, qui dénonce les interventions du Hezbollah en Syrie, a droit à plusieurs minutes :

    Même des Libanais qui acceptaient le Hezbollah comme un rempart légitime contre Israël comprennent aujourd’hui [parti pris manifeste] le danger que l’organisation fait courir à tout le pays. C’est le cas de Laury Haytayan, blogueuse et activiste, qui critique l’attitude du Hezbollah qui envoie sa milice dans les conflits du Moyen-Orient. Selon elle, cela augmente le risque de guerre.

    Pour l’anecdote, cette prétendue ‘blogueuse et activiste qui réunit les femmes libanaises de toutes confessions pour surmonter les divisions sectaires‘ est surtout, d’après ses profils Twitter et LinkedIn, une experte des questions énergétiques, minières et géostratégiques, Directrice du pôle Moyen Orient pour pour une instance basée à New York. Mais  il est vrai que cette présentation plus honnête du personnage aurait été  moins ‘glamour’.

    Certes, le Hezbollah n’accorde plus d’interviews aux médias occidentaux (on se demande bien pourquoi, étant donnée leur impartialité…), mais ses alliés sont légion au Liban, et il aurait été facile de contrebalancer les points de vue adverses au Hezbollah par des points de vue alliés. Cependant, le documentaire a fait le choix de s’adresser brièvement à un seul d’entre eux, chiite, le député Yassine Jaber, manifestement pour soutenir le récit purement sectaire qu’il fait de l’histoire et de la société libanaises. A en croire Michael Richter, au Liban, il y aurait d’une part les chrétiens de Gemayel, et d’autre part les sunnites de Hariri, acteurs légitimes et loyaux de la démocratie libanaise et soucieux de la stabilité et de la prospérité de leur pays, face au Hezbollah chiite, intrus qui, par son aventurisme et sa prédilection pour les armes plutôt que pour les urnes, mettrait en péril le Liban au service de l’Iran et de la Syrie.

    Mais contrairement à ce que Michael Richter laisse entendre, le premier parti chrétien au Liban n’est pas la Phalange, mais le Courant Patriotique Libre (CPL), dirigé par l’actuel Président du Liban Michel Aoun. Le documentaire travestit sciemment la réalité libanaise en occultant le fait que le Hezbollah n’est pas une force isolée ou sectaire mais fait partie d’une large coalition, le 8 Mars, qui regroupe tous les partis nationalistes sunnnites, des chiites (Hezbollah, Amal), des chrétiens (CPL, Marada) et des druzes (Parti démocratique libanais de Talal Arslan). En face, l’alliance du 14 Mars regroupe le Mouvement du Futur de Hariri (sunnite), les Forces Libanaises de Samir Geagea et les Phalanges de Samy Gemayel (chrétiens). Ce qui distingue ces deux alliances opposées n’est certainement pas d’ordre confessionel ou sectaire, mais bien politique : le 8 Mars est opposé à l’hégémonie américaine, et proche de l’Iran et de la Syrie ; quant au 14 Mars, il est pro-occidental et aligné sur la politique de Washington et de Riyad.

    Ce documentaire ne nous dit rien de tout ça. Il nous laisse entendre que seules les lignes sectaires existent au Liban, et que les chrétiens et les ‘musulmans modérés’ sont les principales victimes, un refrain qui ne peut que toucher le public occidental ignorant des réalités du Moyen-Orient en général et du Liban en particulier. En réalité, si le système politique libanais est bien confessionnel (le Président doit être chrétien, le Premier ministre sunnite et le Président de l’Assemblée chiite), il reste essentiellement divisé selon des lignes politiques claires, comme dans la plupart des pays au monde.

    Michael Richter s’efforce de saper la légitimité du Hezbollah, acquise par son histoire de Résistance face à Israël. Il s’efforce de peindre Israël sous le meilleur jour possible. En plus de la falsification concernant l’ampleur de l’invasion de 1982, qui a englobé la moitié du Liban et pas seulement le Sud, voilà ce qu’il prétend :

    Le Hezbollah a multiplié les attaques contre le Nord d’Israël, près de la frontière libanaise : des enlèvements de soldats,  des attaques de civils, des tirs de roquettes, des attentats suicides. […]

    La version du Hezbollah est la suivante : après l’invasion du Sud-Liban, le Parti de Dieu a résisté jusqu’au retrait de Tsahal. Mais dans les faits, il a continué de commettre des attentats anti-Israéliens bien après. Le dernier remonte à 2006. Le Hezbollah tire des roquettes et des missiles contre le Nord d’Israël, et enlève deux soldats de Tsahal en territoire israélien. L’état hébreu riposte. Son aviation bombarde certains quartiers de Beyrouth. L’opération fait environ 2000 morts, en majorité libanais.

    Ainsi, le Hezbollah ne se serait pas seulement défendu contre l’occupant israélien (dont les atrocités sont pudiquement passées sous silence, contrairement aux actions du Hezbollah), mais l’aurait attaqué sans raison après son retrait du Liban. Mais comment est-il possible de parler des escarmouches entre le Hezbollah et Israël après 2000 et de la guerre de 2006 sans parler du fait que 1/ Israël conservait des prisonniers Libanais que le Hezbollah avait résolu de libérer, 2/ Israël occupe jusqu’à ce jour les fermes de Chebaa, les collines de Kfar Shouba et le village de Ghajar (territoires libanais), et 3/ Israël viole constamment l’espace aérien, maritime et terrestre libanais ? Comment peut-on qualifier d’attentats des opérations militaires ciblant des objectifs militaires et visant à libérer des prisonniers de guerre et restaurer la souveraineté du Liban sur l’ensemble de son territoire, entre deux belligérants qui sont toujours en état de guerre ? Comment est-il possible de ne pas préciser que pour la guerre de 2006, côté Libanais, 80% des 1300 à 1500 morts étaient des civils, et que côté israélien, 80% des 165 victimes étaient des militaires ? Sans même parler du fait que le Hezbollah n’a ciblé les civils Israéliens qu’après que les centres de population libanais aient été ravagés, et face au refus de l’entité sioniste de limiter les frappes aux cibles militaires, ce qu’a fait le Hezbollah durant les premiers jours de la guerre. Précisons enfin que lorsque le documentaire dénonçait les attaques du Hezbollah contre Israël en plein territoire israélien, il montrait des images de soldats attaqués pendant leur occupation du Liban, et des civils israéliens ; mais aucune image des victimes libanaises, bien qu’elles soient dix fois plus nombreuses.

    De plus, afin de présenter le Hezbllah comme une organisaton terroriste, voilà ce que le documentaire affirme :

    Le Hezbollah ne se contente pas de proférer des menaces : depuis des décennies, il commet des actes de terrorisme contre les Etats-Unis, la France mais surtout contre Israël. Les Etats-Unis et Israël l’ont classé parmi les organisations terroristes, alors que  pour l’Union européenne, seul le bras armé du Hezbollah relève du terrorisme.

    C’est bien la première fois que quelqu’un prétend que le Hezbollah a commis des attentats terroristes contre les Etats-Unis et la France. Comment peut-on dire de telles énormités ? De quoi parle donc Michael Richter ? Les seuls morts Américains et Français qui pourraient éventuellement être attribués au Hezbollah sont les 241 Marines américains et les 58 soldats français tués en 1983 lorsque leurs contingents ont été frappés par deux voiture piégées. Mais d’une part, il s’agissait de cibles militaires qui, s’étant engagées activement aux côtés  d’Israël et de leurs alliés phalangistes, devenaient logiquement des cibles légitimes. D’autre part, le Hezbollah n’existait pas encore officiellement à l’époque, et n’a jamais revendiqué ces attaques. Au mieux, on pourrait parler de présomption ou de soupçons de culpabilité, mais quoi qu’il en soit, il ne s’agissait nullement d’actes terroristes. La première attaque-suicide revendiquée ultérieurement par le Hezbollah est celle qui a frappé le quartier général des forces israéliennes à Tyr en octobre 1982, tuant 75 soldats israéliens. Si l’Union européenne considère effectivement la branche armée du Hezbollah comme une organisation terroriste, ce n’est pas du fait des attaques de 1983, mais du fait de l’attaque de 2012 contre un bus de touristes israéliens en Bulgarie, attribué sans aucune preuve, et contre toute logique, au Hezbollah.

    D’après ce documentaire, aujourd’hui,

    Le pays est plongé dans une profonde crise économique et politique, une crise qui le divise de plus en plus.

    Vraiment ? La crise politique serait plus forte aujourd’hui que de 2014 à 2016, années pendant lesquelles le Liban n’avait pas de Président, ou de 2013 à 2018, pendant lesquelles les élections législatives ne cessaient d’être repoussées pour diverses raisons (9 années se sont écoulées entre celles de 2009 et les suivantes, en 2018) ?

    Paradoxalement, mais de manière révélatrice, si ce documentaire parait maintenant, ce n’est pas parce que le Liban est dans une grande période d’instabilité, mais justement parce que les longues années d’instabilité (causées en partie par la guerre en Syrie, qui est maintenant terminée) viennent de prendre fin, mais pas de la manière souhaitée par l’Occident. Le Hezbollah et ses alliés ont remporté les élections égislatives de mai 2018, tenues avec 5 ans de retard justement à cause des divisions intestines qui étaient longtemps insurmontables. Le peuple libanais s’est prononcé : l’alliance du 8 Mars a remporté 72 sièges sur 128, et en janvier 2019, un gouvernement a enfin été formé, le Hezbollah et ses alliés obtenant 19 ministères sur 30.

    Le Hezbollah est effectivement plus fort que jamais au Liban, notamment du fait de son intervention en Syrie : non seulement sur le plan militaire, mais sur le plan de la popularité, car les Libanais, notamment les chrétiens, savent bien de quelles affres ils ont été sauvés par l’intervention du Hezbollah contre Daech, qui a préservé le Liban d’un épanchement du fléau terroriste qui a dévasté la Syrie et l’Irak, et qui menaçait le Liban.

     

    Le prétendu ‘poison de la division insufflé au Liban par le Hezbollah‘ que dénonce ce documentaire est tout simplement le succès du Parti de Dieu, qui a réussi à unir le Liban plus que jamais autour de la défense du pays, grâce à l’expérience de 2000 (première Libération du pays face à Israël) et à celle de 2013-2017 (deuxième Libération du pays face aux groupes takfiris). L’électrochoc Daech, fomenté par les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux et saoudiens, s’est retourné contre ses instigateurs, et a été vaincu par l’alliance de l’Axe de la Résistance (Hezbollah, Syrie, Iran, Irak, Yémen) et de la Russie. C’est bien parce que ce complot a échoué que la ligne politique du Hezbollah a triomphé au Liban, et que par dépit, l’Arabie Saoudite a kidnappé le Premier ministre Hariri en 2017, le forçant à démissionner pour plonger le pays dans le chaos. Le récit de cet incident par le documentaire peine à dissimuler la réalité :

     

    Hariri essaie d’unir le Liban sous la houlette des sunnites. Pour y parvenir, il est prêt à dialoguer avec le Hezbollah. L’Arabie Saoudite, qui s’érige en protecteur des sunnites, voit le rapprochement avec les chiites d’un mauvais œil. […] Hariri a-t-il été forcé à démissionner ? Le flou subsiste. En tout cas, il ne peut quitter l’Arabie Saoudite qu’après l’intervention d’Emmanuel Macron, un mois plus tard. De retour au Liban, il annule sa démission. Ces manoeuvres ne font que renforcer le Hezbollah. Quelques mois plus tard, le Hezbollah sort vainqueur des élections législatives. Il obtient pour la première fois deux ministères dans un gouvernement dirigé par Hariri.

    Plus personne ne doute qu’Hariri a été victime d’un kidnapping orchestré par MBS, et neutralisé par la position du Hezbollah et de ses alliés, qui ont rejeté cette démission, et dénoncé une opération saoudienne. C’est parce que le Liban est moins divisé que jamais que l’Occident, dont les efforts pour contrer les souverainistes et nationalises proches du Hezbollah ont échoué, qu’il crie aujourd’hui à la division. Hypocrisie manifeste mais classique. Michael Richter ajoute un nouvel élément à la trinité orwellienne de l’inversion : La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force et l’unité c’est la division.

    Aujourd’hui, le fait que le Liban soit plus uni et plus stable que jamais est prouvé par le fait qu’un gouvernement a été formé après des années de crise politique, et que même sur les questions les plus sensibles touchant à la sécurité nationale, aux ressources énergétiques offshore et à la lutte contre Israël, le Liban a une position unie, comme cela a été constaté dans le cadre de la lutte contre Daech (la frontière libano-syrienne a été libérée des takfiris par une opération conjointe de l’armée libanaise et du Hezbollah durant l’été 2017, malgré les mensonges de ce documentaire selon lesquels ‘Depuis la guerre civile, l’armée libanaise s’est décomposée. Elle n’existe plus que sur le papier.’), et plus récemment lors des incidents militaires consécutifs aux agressions israéliennes contre le Liban : tous les acteurs libanais ont soutenu le droit de la Résistance à riposter, et l’armée libanaise a pour la première fois ouvert le feu sur les drones israéliens.

    Le Liban n’est ni l’otage du Hezbollah, ni celui de l’Iran, ni celui de la Syrie. Comme tous les pays de la région, depuis des décennies, il est victime des velléités hégémoniques des Etats-Unis et des ambitions annexionnistes d’Israël. Ce n’est pas un pion sur l’échiquier des puissances régionales, mais un acteur à part entière, de premier plan, qui a clairement fait son choix : celui de la souveraineté et de la dignité. Surtout, il héberge la force militaire qui a par deux fois humilié en Israël, et contribué à mettre en échec les plans hégémoniques américains dans la région, ce qui constitue un crime impardonnable pour Washington et Tel-Aviv. Tous les mensonges ne sauraient occulter ces réalités.

    Terminons par un florilège de phrases aussi partiales et gratuites qui se passent presque de commentaires, toutes issues de la voix off qui narre ce ‘documentaire’ :

    Le Hezbollah se qualifie de Parti de la Résistance : Résistance contre l’Etat libanais, qu’il accuse d’être défaillant, et Résistance contre Israël. […]

    Aujourd’hui, le système politique du Liban est plus menacé que jamais. Le Hezbollah est de plus en plus fort. Parmi ses partisans, beaucoup n’ont que mépris pour l’Etat libanais.

    Quand le Hezbollah s’est-il défini comme ennemi de l’Etat ? C’est grotesque et insensé, d’autant plus qu’il fait lui-même partie du gouvernement depuis des décennies. Le Hezbollah se considère comme le meilleur défenseur de l’intégrité de l’Etat et un partenaire de l’Armée nationale, dont il pallie les déficiences (dues à l’influence néfaste de l’Occident) face à Israël.

    Le régime qu’ils veulent imposer est celui de Bachar al-Assad, c’est-à-dire une dictature.

    Cette attaque de Samy Gemayel contre le Hezbollah est parfaitement ridicule (le Hezbollah est assez puissant militairement pour s’emparer aisément du pays s’il le souhaitait), mais insidieusement confirmé par le documentaire au lieu de le nuancer.

    Le Hezbollah joue un rôle majeur au sein de la société, contribuant à insuffler le poison de la division. […]

    On cite souvent le modèle politique libanais car il parvient, bon an mal an, à faire cohabiter des chrétiens, des musulmans, à la fois des sunnites et chiites. […]

    Les chiites du Hezbollah, littéralement le Parti de Dieu, soutenus et financés par l’Iran, font vaciller le système politique libanais… Le Hezbollah est de plus en plus puissant. Il modifie l’équilibre confessionnel au profit des chiites. Les sunnites, souvent plus favorisés sur le plan économique, craignent de perdre leur influence politique, dans un pays où encore aujourd’hui,  le poste de Premier ministre est confié à un sunnite. […]

    Le Hezbollah occupe désormais une place qui fait de lui un acteur décisif sur les plans politique, économique et militaire. Tant que le système politique et économique du Liban sera délimité par les clivages confessionnels, que ce soit entre chrétiens et musulmans  ou sunnites et chiites, le pays restera englué dans les crises, et le fondamentalisme continuera de gagner du terrain.

    Cette lecture sectaire des différends politiques traduit la pensée sous-jacente de l’auteur, propre aux ‘démocraties occidentales’ : la démocratie n’est bonne que lorsqu’elle place des alliés de Washington au pouvoir. Qu’ils soient chrétiens maronites comme les phalangistes pro-israéliens, ou des fondamentalistes wahhabites sanguinaires comme les dirigeants d’Arabie Saoudite, n’a aucune espèce d’importance ; la seule chose qui compte est leur allégeance politique. Mais lorsque les peuples se prononcent pour des adversaires de l’Occident, c’est une tragédie. Par ailleurs, le Hezbollah a toujours dénoncé le système confessionnaliste du Liban. Depuis les années 1990, il prône une démocratie classique, qui gomme les lignes confessionnelles.

    La base du Hezbollah, ce sont les chiites pauvres, qui représentent environ un quart de la population du pays. Leur idole est le Secrétaire Général du Parti, Hassan Nasrallah, qui dirige l’organisation et la milice armée depuis des décennies. Il y a longtemps qu’il n’est pas apparu en public compte tenu du risque d’attentat.

    Il a de nombreux ennemis. Israël le considère comme un terroriste très dangereux. C’est donc par écran interposé qu’il s’adresse ce soir à ses adeptes, et délivre son message depuis une cache dans les montagnes.

    Risque d’attentat, vraiment ? Ou plutôt d’assassinat ciblé par Israël, qui a déjà liquidé son prédécesseur Sayed Abbas al-Musawi, tué avec sa femme et son fils de 5 ans ? Félicitons au passage l’auteur de ce documentaire, qui a des informations que même la CIA et le Mossad n’ont pas (à savoir le lieu où se trouverait Nasrallah). Et relevons une erreur de traduction dans le discours de Nasrallah en question, qui tend à suggérer que le Hezbollah utiliserait la force des armes pour assoir sa puissance politique. Un extrait de ce discours du 31 mai 2019 est sous-titré ainsi par les équipes de Michael Richter :

    Oui, nous avons au Liban des missiles de précision suffisamment nombreux pour changer la face de la région et bouleverser l’échiquier politique.

    Alors qu’en vérité, Nasrallah a dit :

    Oui, nous possédons au Liban des missiles de précision en nombre suffisant pour changer la face de la région et (bouleverser) les équations (régionales) !

    Nasrallah menace clairement Israël, ainsi que ses alliés saoudiens et américains, mais les traducteurs ont tourné ces missiles vers la scène intérieure libanaise, via l’expression ‘échiquier politique‘. L’accusation de recours aux armes contre ses adversaires politiques libanais est fréquemment lancée contre le Hezbollah, mais nullement fondée dans les faits, le Parti de Dieu réservant l’usage de ses armes à Israël et aux terroristes takfiris qui ont menacé maintes fois de mettre le Liban à feu et à sang, et y ont perpétré plusieurs attentats sanglants, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth.

    Précisons enfin que si le Hezbollah a effectivement combattu en Syrie du côté du gouvernement légitime, ses adversaires ont également participé aux conflit du côté des prétendus ‘rebelles’, même si leur participation est moins importante du fait de leur puissance militaire marginale. Mais seul le Hezbollah est accusé d’intervenir dans les crises du Moyen-Orient et de le déstabiliser, alors qu’il fait bien le contraire, ce qui lui a gagné la confiance de la majorité des Libanais.

    La Journée d’Al-Qods vise à protester contre le contrôlé israélien sur Jérusalem.

    La Journée d’Al-Qods n’est pas limitée à Jérusalem : elle vise à protester contre l’oppression infligée aux Palestiniens sur l’ensemble de la Palestine occupée, et à dénoncer l’existence même d’Israël. Elle marque la solidarité des peuples arabo-musulmans avec leur cause fondamentale.

    Ce n’est qu’avec la guerre de 2006 et la mort de 6 Casques Bleus que l’ONU change de politique.

    La pudeur de Michael Richter l’empêche d’identifier le coupable : Israël. Depuis 1978, des dizaines de soldats de l’ONU ont péri sous les bombes israéliennes.

    La milice entrepose des armes au sud, malgré une résolutions de l’ONU interdisant cette pratique.

    Quant à Israël, champion du monde des violations des résolutions de l’ONU, qui viole quotidiennement la souveraineté du Liban depuis 2006, rien à redire.

    On soupçonne qu’une autre part (du financement du Hezbollah) provient du trafic de drogue et d’opérations de blanchiment d’argent.

    Bravo à Michael Richter pour avoir enfin utilisé le conditionnel pour cette accusation gratuite et évidemment fausse.

    Concluons ce florilège par la déclaration ‘complotiste’ d’un guide du musée de la Résistance à Mleita, Moussa Fars, extraite du documentaire :

    Dans le monde entier, les médias sont contrôlés par les sionistes et leurs alliés.

    Si l’équipe de Michael Richter voulait démontrer la véracité de ce propos, elle n’aurait pas pu mieux s’y prendre.

    Sayed Hasan

    PS : si on tient à ne rien comprendre au Liban, ce classique reste plus digeste que le navet insipide de Richter.

     

    source:https://lecridespeuples.fr/2019/09/29/hezbollah-un-documentaire-sur-arte-falsifie-outrageusement-lhistoire/

     

    envoyé par Mouna Alno-Nakhal

    https://reseauinternational.net/hezbollah-un-documentaire-darte-falsifie-lhistoire/

     


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