Le journal de 20H de samedi 30 janvier a fourni une illustration supplémentaire de la volonté de cette chaîne publique non pas d’informer, mais de manipuler l’opinion. On y était habitué depuis qu’elle s’est spécialisée dans le dénigrement systématique de tous les mouvements sociaux. Mais ses prétendus journalistes ont franchi un cap dans la lecture qu’ils ont donnée de ce qui se passe aux USA.
Dans une présentation des élections primaires qui vont commencer outre-Atlantique, la présentatrice et le correspondant local de la chaîne ont renvoyé dos-à-dos le démagogue Donald Trump et le socialiste Bernie Sanders au nom de ce qui est présenté comme un même « populisme ».
Historiquement, il y a toujours eu des acteurs politiques qui remettent en question le système. Ils le font au nom d’une idéologie, affichée ou pas. Ce fut le cas tout au long des 19e et 20e siècles par des socialistes et par des gens d’extrême-droite.
Mais depuis que la social-démocratie a renoncé à contester le système capitaliste pour adhérer au néo-libéralisme, on dérive en Europe vers un système à l’américaine où deux courants politiques adhèrent totalement au système et se concurrencent uniquement sur l’occupation du pouvoir. L’alternative est limitée à des choix de personnes. Désormais, les contestataires du système, qu’ils se réclament de l’idéal social ou de la tradition nationaliste, qu’ils expriment une analyse critique des inégalités sociales ou qu’ils flattent les passions les plus égoïstes, sont qualifiés invariablement par le prêt à penser dominant de « populistes ».
Il y a toujours eu, à l’occasion des primaires américaines, des populistes au sens traditionnel de ce terme qui désigne les démagogues flattant avec hystérie les passions les plus basses. Ils se situent le plus souvent à la droite des Républicains. Il y a eu un Barry Goldwater, plus récemment une Sarah Palin, aujourd’hui, c’est Donald Trump. C’est un classique du paysage politique américain.
La grande nouveauté des prochaines élections présidentielles, c’est l’émergence au sein du parti démocrate, d’un authentique discours de gauche. Après les grands espoirs et les immenses déceptions de la présidence Obama, la candidature de Mme Clinton est apparue davantage comme la perpétuation d’un système inique où les inégalités sociales s’accentuent, où l’emprise des firmes privées sur les choix politiques a atteint des sommets, en dépit de la crise de 2008. Obama a déçu parce qu’on attendait de lui une politique à la Franklin D. Roosevelt, celle du New Deal qui avait encadré le capitalisme après la crise des années trente, au siècle passé. Mais Obama a cédé devant Goldman Sachs. Et les plus faibles ont payé la crise provoquée par la rapacité des plus riches. Et voici que surgit Bernie Sanders, un homme dont tout l’engagement politique, jusque-là marginalisé, a été consacré à promouvoir la justice sociale. Et à la grande surprise des prétendus journalistes, son combat devient celui de millions de ses concitoyens. Un homme qui non seulement dénonce les injustices du capitalisme, mais fournit la démonstration que les valeurs du socialisme ont encore une pertinence.
Cela, bien entendu, c’est intolérable pour les défenseurs d’un système dont tous les efforts tendent à nous convaincre qu’il n’y a pas d’alternative, que le seul choix que nous ayons encore se limite à des choix de personnes. Il faut donc disqualifier un Bernie Sanders aux USA, un Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne. Pour cela un mot : populisme. Une présentation : renvoyer dos-à-dos démagogues de la droite extrême et authentiques candidats de gauche. On a vu cela chez nous, en 2012. On le voit une nouvelle fois à l’occasion des primaires américaines.
Pourquoi payons-nous encore pour des stations de radio et des chaînes de télévision publiques qui nous intoxiquent au lieu de nous informer honnêtement ?
rmj
La peur des Rouges ?
Ça marche plus !
Les gouvernements américain et britannique lancent une nouvelle campagne de presse pour diaboliser la Russie, avec de grandes déclarations selon lesquelles le Kremlin infiltre des partis politiques et des médias d’information. L’ignoble but des Russes, nous dit-on, est de détruire l’Union Européenne.
Nous avons déjà vu des versions de cette tactique de la peur à propos de l’Ukraine et de Poutine le nouvel Hitler. Mais ce que qu’illustre cet exercice à faire bâiller d’ennui est que le vieux sortilège agité par leurs dirigeants n’agit plus sur le public occidental. L’opium de la propagande occidentale est périmé.
Peu importe la Russie. L’UE n’a personne d’autre à blâmer sinon elle-même pour ses tensions et difficultés présentes, dues à sa lâche soumission à la politique irresponsable de Washington.
Vingt-cinq ans après la fin de la Guerre froide et la dissolution de l’Union Soviétique, Washington et son fidèle acolyte de Londres cherchent désespérément à revenir en arrière, au bon vieux temps où ils pouvaient contrôler leur opinion publique avec des histoires cauchemardesques.
Rappelez-vous ces bons vieux croquemitaines de Rouges sous le lit, la menace rouge, l’Empire du mal, et toute cette sorte de choses, lorsque les autorités occidentales mobilisaient leurs populations par la peur et l’appréhension que «les Russes arrivent» [avec le couteau entre les dents, NdT].
Si on regarde en arrière aujourd’hui, il semble incroyable que ce lavage de cerveau occidental ait réussi avec de telles tactiques d’épouvante. À l’époque, il fonctionnait très bien. Cela a permis aux États-Unis et à leurs alliés de l’Otan de construire un immense arsenal d’armes nucléaires capables de réduire plusieurs fois la planète en cendres ; cela a permis en particulier aux États-Unis d’intervenir militairement dans des douzaines de pays dans le monde, de renverser leurs gouvernements et d’y imposer des dictatures brutales – sous le prétexte de défendre le monde libre contre les méchants Russes.
La semaine dernière, nous avons eu un remake de la recette de lavage de cerveau de la Guerre froide. Le Daily Telegraph britannique, un fourrier notoire de la guerre psychologique, a publié un reportage décrivant la Russie et le président Vladimir Poutine comme un spectre malfaisant qui tente de briser l’unité européenne en «finançant des partis politiques» et en tentant une «déstabilisation soutenue par Moscou».
Le journal, appelé par dérision le Torygraph en raison de ses liens profonds avec l’establishment politique de droite en Grande-Bretagne, citait anonymement des responsables du gouvernement disant :
«C’est vraiment une nouvelle Guerre froide, là. Juste en face de l’UE, nous voyons une preuve alarmante des efforts russes pour défaire le tissu de l’unité européenne sur toute une série de questions stratégiques vitales.»
Le même article déclarait que le Congrès américain avait ordonné à James Clapper, le directeur du service de renseignement national étasunien, de «procéder à un examen approfondi du financement clandestin par les Russes des partis européens au cours de ces dix dernières années».
Les partis politiques européens soupçonnés de prétendues manipulations par les Russes incluent le Parti travailliste britannique sous Jeremy Corbyn, Le Front national dirigé par Marine Le Pen en France, ainsi que d’autres partis aux Pays-Bas, en Hongrie, en Italie, en Autriche et en Grèce, selon le Daily Telegraph.
Pas une ombre de preuve n’est apportée à l’appui de l’histoire de la supposée conspiration russe pour déstabiliser la politique européenne. Typiques de la vieille propagande occidentale de la Guerre froide déguisée en informations, les accusations portées contre le gouvernement russe reposaient sur des insinuations, des préjugés et la diabolisation. La Russie et son dirigeant Vladimir Poutine sont malfaisants, parce que… eh bien, euh, parce que nous disons qu’ils sont malfaisants.
Ce qu’il se passe réellement ici est que les coutures de l’Union Européenne craquent à cause du nombre massif de citoyens ordinaires extrêmement déçus de sa monstruosité antidémocratique. Cette désaffection à l’égard de l’UE concerne les électeurs des partis de droite comme de gauche.
Les politiques économiques d’austérité impitoyables, qui accroissent le chômage et la pauvreté, et les coupes draconiennes dans les services publics – tandis que les banques, les bénéfices des entreprises et une minorité de riches deviennent toujours plus riches – ont aliéné de larges couches de la population parmi les 500 millions de personnes qui composent l’UE.
Les dirigeants politiques de l’UE, qu’ils s’intitulent conservateurs, libéraux, socialistes ou autre, se sont montrés impuissants à apporter davantage de politiques démocratiques et à répondre aux besoins des gens. Aux yeux de beaucoup d’Européens, les partis politiques établis sont tous les mêmes, tous suivent servilement une forme de bien-être capitaliste au profit des super-riches déjà bien gavés.
Une grande partie du problème vient de ce que l’Union Européenne n’a manifesté aucune indépendance à l’égard de Washington. Les gouvernements européens, sous le harnais de l’Otan, l’alliance militaire dirigée par les Américains, ont aveuglément rejoint les États-Unis dans leurs guerres désastreuses et illégales pour obtenir des changements de régime en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie. Ces guerres se sont à leur tour retournées contre l’Europe en lui léguant la pire crise des réfugiés depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Aggravant encore la difficulté, il y a l’impasse totalement inutile et futile entre la Russie et l’Europe à propos de la crise en Ukraine. Les agriculteurs, les entreprises et les travailleurs européens souffrent à cause de Washington et de la politique de Bruxelles qui a déstabilisé l’Ukraine afin d’isoler la Russie au profit d’un certain agenda politique. Sur ce point, les gouvernements européens sont particulièrement exécrables, puisqu’il devrait être clair que Washington veut isoler la Russie avec le seul objectif de la remplacer comme fournisseur principal d’énergie du continent. C’est ce qu’on appelle se tirer une balle dans le pied.
Étant données toutes ces composantes du problème, il n’est pas étonnant que les citoyens européens soient mécontents de ce qu’on appelle leurs dirigeants politiques. Le mépris populaire pour Bruxelles a atteint des niveaux record, et à juste titre.
La pathétique déférence servile à l’égard des politiques économique et étrangère de Washington se manifeste sous la forme de protestations et de dissidence à l’égard du projet européen dans son entier. La montée de la droite en Pologne, où le parti nationaliste est au pouvoir, est un autre signe des temps.
Mais plutôt que de se mettre à l’écoute du mécontentement généralisé à travers l’Europe, ce que tentent Washington et ses alliés pro-atlantistes comme la Grande-Bretagne est de faire de la Russie un bouc émissaire.
L’ironie de la chose est que Washington et Londres cherchent à lui imputer les misères et la désunion croissantes en Europe. Alors que c’est Washington et Londres qui sont les raisons principales pour lesquelles l’Europe part en lambeaux.
À cette fin, les États-Unis et la Grande-Bretagne relancent les vieilles épithètes de la Guerre froide pour diaboliser la Russie, comme moyen de détourner l’attention de leur propre influence malfaisante et destructrice sur le reste de l’Europe.
Il y a des décennies, la diffamation antirusse a pu agir sur le public. En particulier lorsque des agences de presse occidentales et leurs journalistes infiltrés par la CIA et le MI6 jouissaient d’un monopole efficace sur l’opinion publique. Mais ces temps sont révolus. Le public occidental n’est plus sous l’emprise des histoires effrayantes comme le seraient de petits enfants. Il y a beaucoup de sources d’information alternatives à leur disposition qui leur permettent de se faire une image plus précise.
Et cette image précise des problèmes de l’Europe n’a rien à voir avec de prétendus méfaits russes. La malfaisance est plutôt abondamment attribuée à Washington et à ses gouvernements européens laquais.
La tentative de remake de la peur rouge par Washington et Londres peut facilement être écartée. Mais l’intéressant est que cela manifeste profondément combien ces deux acteurs sont à court d’idées de propagande avec laquelle distraire les populations occidentales de plus en plus inquiètes et en colère.
Les gens veulent des solutions réelles pour surmonter les problèmes sociaux et économiques, et non d’idiotes histoires à faire peur, périmées depuis des dizaines d’années. Plus l’opinion publique occidentale se sent insultée par un tel non-sens, plus elle méprise ses dirigeants. Les puissances capitalistes occidentales, en déroute et impuissantes, sont dans un cul-de-sac. Allez-y, pointez-vous, on vous attend !
Finian Cunningham
Traduit par Diane, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker francophone
source: http://lesakerfrancophone.fr/la-peur-des-rouges-ca-marche-plus
http://reseauinternational.net/la-peur-des-rouges-ca-marche-plus/