• France Télévisions : Des salariés à bout de nerfs. Suicides..

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    Marc Endeweld 
     
    À la suite de deux suicides survenus à France Télévisions en 2013, la direction et trois syndicats ont commandé un rapport à un cabinet d'experts. "Marianne", qui publie dans son numéro toujours en kiosques une longue enquête sur le "naufrage" du groupe audiovisuel public, se l'est procuré dans sa version intégrale, et a décidé d'en publier de larges extraits sur Internet. Un document édifiant.
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    JPDN/SIPA

    Les 132 pages du rapport du sociologue Henri Vacquin, du cabinet Technologia, sont accablantes. Le document, barré d'un titre à rallonge (« Prévention et qualité de vie au travail au sein du groupe France Télévisions : diagnostic socio-organisationnel et panorama des risques psychosociaux et de la qualité de vie au travail »), jette une lumière crue sur les difficultés et les souffrances des salariés depuis la fusion de la télé publique en une seule entité sociale. À la lecture de ce rapport, on découvre une véritable Berezina managériale.

    Interrogé par Marianne, Patrice Papet, le DRH du groupe France Télévisions rappelle « avoir fait appel à un sociologue qui n'était pas susceptible d'être complaisant. Après plusieurs alertes en région, il ne fallait pas mégoter sur les moyens. Si la direction, comme les syndicats, ont exprimé des réserves sur le résultat final, nous sommes plutôt d'accord sur l'analyse générale, même si c'est donc sans complaisance... »

    La direction n'a diffusé qu'une simple synthèse expurgée de nombreux faits et éléments

    Peut-être d'accord, mais la direction de France Télévisions, après avoir commandé ce rapport, s'est retrouvé bien embêtée : alors qu'elle avait annoncée dans un premier temps vouloir rendre accessible ce rapport auprès de l'ensemble des salariés du groupe public, une simple synthèse de quelques pages fut diffusée, expurgée de nombreux faits et éléments d'analyse.

    C'est pourquoi Marianne, en complément du dossier de huit pages consacré à France Télévisions dans notre numéro en kiosques cette semaine, a décidé d'en publier de larges extraits sur Internet.

    Au sujet de la fameuse « entreprise unique » contestée en interne et mise en place après 2008, Patrice Papet a d'ailleurs une analyse étonnante, teintée de mea culpa : « Cette réorganisation-fusion a été conduite d'une façon brutale suite à une décision politique. Quand notre équipe est arrivée, nous étions placés devant une décision que nous avons décidé d'assumer sans forcément y adhérer entièrement, alors qu'une partie des salariés attendaient qu'on revienne sur la décision. Et ce fut très difficile de construire une fonction ressources humaines de groupe tout en gérant la réorganisation. S’il était pertinent de mettre fin au syndrome du village gaulois entre les chaînes du groupe, il n'était pas pertinent de mettre en œuvre cette réforme d'un seul coup dans un temps si court. Nous sommes victimes des changements de cap incessants de la part de l'actionnaire. Que l'Etat laisse l'entreprise agir ! »

     

    >>> EXTRAITS DU RAPPORT

    > Le sentiment « d'être mal aimé de son actionnaire »

    La suppression en 2008 de la publicité après 20 heures se traduit aujourd'hui dans le sentiment fort d'être « mal aimé de son actionnaire » ; quand bien même le rôle de l'actionnaire, de l'Etat, ou de la tutelle, ces mots apparaissant comme synonymes, est vécu comme « trop tutélaire, concernant les marges de manœuvre managériales nécessaires à toute entreprise même publique ». Ce qui est mis en cause c'est, plus précisément encore, l'incapacité de la tutelle à « formuler, à long terme, une mission explicite de service public à France Télévisions, offrant une continuité managériale et sociale praticable aux Présidents de la maison quand on les nomme ».

    Les résistances à l'entreprise unique

    Le sentiment d'appartenance aux différentes chaînes reste très prégnant. Qu'il s'agisse des deux principales, France 2 et France 3, ou des plus petites comme France 5 ou les chaînes d'Outre-Mer. Les salariés conservent un lien identitaire avec leur chaîne d'origine.
    (...)
    C'est entre les ex salariés de France 2 et France 3 que la situation est la plus exacerbée. Malgré l'harmonisation, le sentiment que la direction des programmes privilégie France 2 “chaîne premium” au détriment de France 3, qui ferait figure de parent pauvre, est très marqué. Selon les ex France 3, la culture de France 2 serait dominante au sein du groupe.
    (...)
    On nous fait part d'écarts de salaire importants pour un même poste entre des salariés ex France 2 et ex France 3, des différences de conditions de travail (les heures supplémentaires sont mieux payées sur la 2, le travail du dimanche mieux rémunéré sur la 3...).
    (...)
    À France 3, chaîne des régions et des territoires, les incursions des « équipes parisiennes » sont plus mal perçues que la présence d'équipes permanentes de France 2 dans les régions.

    > Un changement d'organisation mal compris, mal vécu et qui n'en finit pas...

    L'absence de véritable politique managériale est autrement plus déstabilisante et a conduit à laisser longtemps quasiment hors contrôle des pans entiers de l'entreprise, ce qui n'est jamais sans conséquence sur l'acceptation d'être dirigé. Le vieux précepte « Dis moi comment tu contrôles, je te dirais comment tu diriges » explique, pour beaucoup, la perte de crédibilité de la Direction. C'est un héritage de l'histoire de l'entreprise.
    (...)
    Les quatre à six années qui viennent de s'écouler vont donc voir la réforme se développer sur deux fronts simultanés : celui de la construction du gréement des moyens nécessaires à une entreprise normale et celui de la poursuite de la finalité vers laquelle on avance masqué. La Direction va, de cette manière, cumuler des handicaps qui portent atteinte à son crédit auprès du personnel. Partant, celui-ci n'a d'autres solutions que de rejeter « le bébé avec l'eau du bain ».
    (...)
    Selon le baromètre social 2011-2013 : 70 % du personnel déplore une « absence de pratiques partagées du management ». (...) Toujours selon ce même baromètre, « 70 % des salariés se plaignent du manque de volonté de régler les dysfonctionnements internes ».
    (...)
    France Télévisions est aussi une entreprise de spectacle. Les décisions sont toujours lancées en grande pompe. Mais finissent aussi parfois en quenouille ou sont tout simplement annulées. La crédibilité de l'encadrement auprès des collaborateurs n'en sort, de fait, pas grandie : celle de la direction non plus. Ainsi, c'est un des traits de la culture de France Télévisions : une prise de décision, d'où qu'elle émane n'a rien d'inéluctable à devenir opérationnelle. Il n'est donc pas exclu qu'après un ordre, la prudence veuille qu'on attente le contre-ordre.
    (...)
    Le pari que la mise en place de la nouvelle organisation finirait bien par la faire comprendre et le flou initial sur les finalités de la réforme ont secrété, de la part des dirigeants, une forme de passage en force « par les moyens ». Quelles que soient les avancées obtenues, celles-ci ont nécessairement été vécues dans la douleur. Une douleur qui ne peut s'estomper qu'en présence de résultats qui, eux-mêmes, ne se manifesteront nécessairement qu'a posteriori.
    (...)
    Un long statu quo n'a été rompu qu'en 2008 par l'actionnaire. Si l'entreprise bouge sous la force des événements, c'est avant tout sans savoir elle va.
    (...)
    À ce manque de vision d'avenir, le syndicalisme a logiquement répondu sur le même registre : comment les organisations syndicales peuvent-elles admettre qu'il n'y a pas de pilotes compétents ni chez l'actionnaire ni à la Direction ? Elles leur prêtent donc une stratégie cachée, qui impose en retour une défiance syndicale.
    (...)
    Si nous devions proposer une image pour décrire ce que vit aujourd'hui France Télévisions, sans doute faudrait-il s'arrêter sur l'exemple de la Direction Générale des Ressources Humaines (DGRH) en se posant cette question : les nouveaux acteurs des ressources humaines ont-ils été en situation de se mettre au volant d'une « voiture RH » mobile qu'ils doivent construire tout en la conduisant et, qui plus est, en la chargeant comme un camion de 30 tonnes ? Ceci avec une vision à long terme difficile à cerner et susceptible de rencontrer des aléas nombreux renvoyant à une certaine improvisation au départ.
    (...)
    Nous osons parler des acquis de la réforme. Quelle que soit l'acrimonie du personnel à son endroit, puisqu'elle ne s'opère pas sans douleur, et que la stabilisation définitive se fait encore attente, il n'en reste pas moins qu'elle progresse : l'intégration du numérique a manifestement avancé. On nous signale aussi des avancées dans la cohésion de l'élaboration des programmes. On nous dit également que les « villages gaulois » de France 2 et du journal national de France 3 sont bien l'objet d'un début de décloisonnement. Enfin, deux conventions collectives ont été signées, même si l'une d'entre elles a pris du temps.  Partant du type de relations sociales que l'on a décrit plus haut, c'est là un acquis considérable, tant pour la DGRH qui en aura mené la négociation en plein élaboration de sa propre construction que pour les organisations syndicales qui ont su en assumer le risque.

    > La communication, l'intégration, et l'accompagnement :

    Certains directeurs sont, sur ce point, très sévères : « l'équipe RH ne voit pas les salariés et fait des réponses technocratiques ; la fonction RH est la plus déficiente de l'entreprise. Elle n'est pas seulement technocratique, elle est malade ».
    (...)
    L'accompagnement RH est souvent considéré comme défaillant par rapport à ce que l'on peut attendre d'une grande entreprise. Un salarié s'exprime ainsi à propos de l'accompagnement à l'embauche : « Je n'ai pas été reçu par les services RH lors de mon embauche. La signature de mon contrat a été folklorique et depuis mon poste a évolué sans que mon contrait n'ait été modifié (…) Je demande une mobilité depuis longtemps. J'envoie des mails aux RH qui restent sans réponse ».
    (...)
    Dans une antenne régionale, le RH est perçu comme une simple courroie de transmission : il distribue les bulletins de paye et des documents administratifs. Il ne dispose d'aucun pouvoir de décision et n'a aucun rôle auprès des managers pour les accompagner dans leur fonction : « Quand on ne veut rien, on leur demande » ou « Notre IRH c'est madame “Je sais pas il faut que je demande” ». Quant au DRH du pôle, il est considéré comme ne connaissant pas les salariés : « il ne vient pas nous saluer quand il vient en antenne, il ne sait pas qui nous sommes ».
    (...)
    Quoi qu'il en soit, l'ensemble des critiques se focalisent sur la lenteur dans l'adaptation à la nouvelle organisation : « nous avons une DRH qui n'est pas à la hauteur de nos difficultés, nous somme ici encore dans l'artisanat », explique un directeur fonctionnel. « J'ai mis un an et demi à avoir la liste de mes collaborateurs et leurs salaires », explique un autre « et parfois, l'organigramme que l'on met remet ne correspond pas à la réalité, ce qui entraîne pour moi des difficultés et une perte de confiance des collaborateurs (…) Cela se ressent sur tous les sujets que la DRH doit traiter, changement de qualification, remise à niveau des grilles salariales et certaines fonctions sont inopérantes : lorsque je dois recruter en interne je préfère passer par le bouche à oreille et en externe, par des cabinets de recrutement ».
    (...)
    Les services RH opérationnels n'ont pas pu jouer leur rôle essentiel dans une réorganisation de cette ampleur, en apportant de la clarté et de la cohérence. Faute d'outils adaptés et performants, d'informations précises et pertinentes, ils ont rajouté de l'inquiétude et de la confusion chez les salariés, faisant naître chez ces derniers le sentiment que la Direction de France Télévisions n'a pas de vision claire de sa propre réforme.

    > Une direction des ressources humaines en souffrance au regard de son personnel

    Les salariés des services RH opérationnels se disent absorbés, voire débordés par la mise en œuvre de tous ces chantiers. Ils sont pour eux chronophages dans un contexte où ils ne peuvent s'appuyer sur des outils opérants. Ils sont très sollicités par les salariés et les managers mais souvent mis en difficulté car ils ont « rarement » la réponse aux questions. Ceci est dû au manque d'informations reçues en amont de la DGRH. Ils se retrouvent placés « entre le marteau et l'enclume » : d'un côté, la politique RH avec d'importants chantiers et des calendriers très serrés, de l'autre, les collaborateurs pour lesquels la fusion des sociétés reste une révolution : « Nous avançons à marche forcée ». « On attrape les sujets par le mauvais bout encore au bout de 4 ans ».
    (...)
    Ils se plaignent d'une DGRH « déconnectée de la réalité qui ne prend pas en compte les alertes et les remontées du terrain ». « Les décisions sont prises en central, sans nous consulter, et sans nous prévenir s'il y a des erreurs ». Ils ont l'impression qu'il n'y a pas de pilote conscient des réalités du terrain.

    > Un épuisement syndical déjà bien engagé

    Au cours de l'étude, 41 entretiens ont été réalisés avec des syndicalistes. (...) Ils mettent en cause les pratiques de la Direction à leur endroit, y compris dans le type de management au quotidien concernant l'évaluation de leur professionnalisme. Concernant la spécificité de ces dernières années, ils prêtent à la Direction « d'avoir mené la réforme pour l'essentiel dans le but de vulnérabiliser le syndicalisme » et « de dresser en sous-main l'encadrement à l'encontre de la reconnaissance du fait syndical ». Les accords seraient systématiquement « détournés lors de leur mise en œuvre ».
    (...)
    On touche ici à l'intensité de la « souffrance au travail syndicale ». Celle-ci se manifeste surtout à la « base ». La proximité des réalités du terrain rend en effet l'articulation vie professionnelle, vie syndicale et vie privée difficile à assumer, d'autant plus quand on croit à l'utilité du syndicalisme. À ce titre, certains entretiens avec des élus de terrain ont été humainement durs à vivre.
    (...)
    On doit considérer que nous sommes en présence d'une population particulièrement touchée par des risques psychosociaux intimement liés à la fragilisation de la régulation sociale à France Télévisions.

    > Des métiers en pleine évolution faisant apparaître des populations à risque

    Au sein de France Télévisions, un certain nombre de métiers vivent de fortes évolutions depuis de nombreuses années. Il s'agit notamment des Journalistes Reporters d'Images et de certains métiers techniques : monteurs, opérateurs prises de vues, opérateurs preneurs de son. Ces évolutions sont le résultat conjoint d'un contexte économique contraint ayant entraîné notamment la diminution des émissions produites d'une part et des évolutions technologiques majeures visant à dématérialiser le flux et numériser les processus d'autre part. Ces changements se traduisent notamment par des glissements de tâches des techniciens vers les journalistes, dessinant « un journaliste poly-compétent, livré à lui-même et sur-responsabilisé mais qui finalement ne peut faire un travail de qualité » (Rapport Emergences, mars 2014).
    (...)
    Les personnes rencontrées n'ignorent pas que les matériels sont d'un usage plus ouvert, ou que les jeunes journalistes formés dans les écoles savent filmer et monter leurs reportages. « Mon métier va disparaître à échéance de moins de dix ans » estime un technicien vidéo. « Mon métier n'a plus de raison d'être » constate un monteur.
    (...)
    En 2012, la Médecine du travail avait soulevé les nombreux problèmes de santé des opérateurs preneurs de son et des journalistes reporters d'images : la très forte hausse du nombre d'arrêts des OPS et des JRI suite à un accident de travail (x2 entre 2008 et 2009 et x13 entre 2008 et 2010), et du nombre de jours d'arrêts maladie (sur l'année 2010, le service Prise de vues comptabilise à lui-seul près de 3000 jours d'arrêt (accidents du travail + maladie). La Médecine du travail note qu'en plus des inaptitudes totales ou partielles, le mal-être psychologique des opérateurs preneurs de son de France 2 est important.
    (...)
    Au siège, les opérateurs prise de vue souffrent de sous effectif (diminution des cadreurs intermittents), de l'absence de chef de service, et de manque de reconnaissance (seuls techniciens à ne pas être conviés aux réunions de préparation des émissions, ils ne peuvent préparer leurs émissions ou le font hors temps de travail).
    (...)
    Au regard de la multitude des risques identifiés, un plan d'action spécifique devrait leur être consacré.
    (...)
    De la même manière, l'enquête santé au travail mené par le cabinet Technologia en 2012 montrait que les Journalistes Reporters d'Images constituaient une sous-population particulière, pour laquelle les problématiques se multiplient : ports de charges lourdes, postures extrêmes, conditions climatiques contraignantes, fatigue visuelle... Ils étaient nombreux à employer des qualificatifs négatifs pour décrire leur ambiance de travail (67%), à trouver leur activité éprouvante (51%) et à souffrir d'un manque de reconnaissance et de sens au travail.
    (...)
    Le bilan social de 2011 fait état de chiffres inquiétants. Le bilan social 2011 montre que les JRI de France 2 et France 3, qui représentent 17 % des effectifs globaux des journalistes, totalisent 73 % des accidents au travail enregistrés pour l'ensemble de la population des journalistes. Ainsi, en 2011, on décompte 383 jours d'Arrêts de travail pour le JRI de France 2 et France 3. De la même manière, les JRI totalisent en 2011, 4 400 jours d'arrêts maladie (maladies courtes, maladies simples et maladies longues), soit environ 50 % des arrêts maladie enregistrés pour l'ensemble des journalistes de France Télévisions Siège.
    (...)
    Les monteurs se plaignent d'être débordés, voire de « faire de l'abattage ». Un sentiment « d'entre deux » est fréquemment évoqué : techniciens plutôt créatifs en bout de chaîne avant le produit final et faisant, de fait, du rédactionnel ou de l'aide à la rédaction sans pour autant être des rédacteurs. Ils récupèrent les tâches d'autres métiers tout en constant que le leur est en passe de disparition.
    (...)
    L'ensemble des monteurs rencontrés nous a d'ailleurs fait part du sentiment « d'être la dernière génération de monteurs », constatant que dans les chaînes tout info, les journalistes « font tout » et que notamment, les JRI font du montage. Cette crainte de disparition est renforcée par l'éligibilité de cette profession au dernier plan de départs volontaires.

    > Des « collectifs dégradés »

    Les entretiens comme les précédentes expertises font souvent ressortir la dégradation des collectifs. Depuis la réorganisation, des équipes sont souvent sous pression et fatiguées par le morcellement des tâches. Dans un certain nombre de cas, la charge de travail est telle que le temps manque pour discuter avec les collègues. L'entraide et l'aspect convivial des relations se perdent, chacun se repliant sur ses acquis de niche et faisant son travail sans s'occuper de son voisin. Dans les secteurs de la production, au sein des équipes techniques, sur les plateaux ou en régies notamment, la lassitude, la démotivation, la mauvaise humeur, et l'hyperactivité, entraînent des tensions importantes.
    (...)
    Au siège, de nouvelles méthodes de travail font craindre une modification des rapports au travail. (…) Du fait de la systématisation des comptes rendus et de l'organisation de critiques en présence du collectif de travail, elle entraîne également un contrôle généralisé des uns sur les autres, favorise une solidarité fabriquée de toutes pièces et peut susciter un climat de méfiance entre les personnes concernées. Par ailleurs, la forte présence, dans certains services, de nombreux prestataires qui peuvent atteindre en proportion la moitié des équipes, entraîne également des rapports moins chaleureux.

    > Une violence sourde

    Les exemples de violences verbales et d'insultes sont fréquents sur les plateaux et en régies, notamment entre les opérateurs de prise de vue, et les réalisateurs, ces derniers « imposant leur loi ». Des insultes, des injures à caractère raciste ou sexiste sont semble-t-il régulières, à tel point que, pour s'en protéger, les opérateurs de prise de vue quittent les plateaux pour se rendre à la Médecine du travail dès qu'ils se sentent agressés.
    (...)
    L'éloignement physique (régie/plateaux), la pression subie par les réalisateurs et l'insuffisance des compétences managériales peuvent expliquer ces comportements déviants qui semblent être fréquents.
    (...)
    (Malheureusement), la direction est toujours absente pour sanctionner les abus.

    > Des facteurs ressources cependant

    Malgré une plainte récurrente de la dégradation des conditions de travail, certains salariés interrogés relativisent les difficultés évoquées et qualifient leur environnement de travail de favorable. Il s'agit notamment de personnes qui, avant d'intégrer France Télévisions, ont connu d'autres entreprises où les conditions de travail étaient plus difficiles.
    (...)
    Certains salariés parviennent donc à prendre du recul par rapport à la plainte diffuse et reconnaissent qu'ils bénéficient d'avantages conséquents : « On n'est pas au bagne quand même ». Certains se sentent ainsi piégés entre le sentiment d'être privilégiés et le fait de souffrir, ou comment se fait-il que tout en étant dans un milieu privilégié, avec un travail intéressant, le système fabrique des gens qui ne vont pas bien ?
    (...)
    Le sentiment d'appartenance se dessine également au travers le refus de ne pas devenir une télévision comme les autres, symbolisée par des phrases du type « On ne veut pas devenir BFM TV ! »

    > Quelques recommandations :

    - Faciliter l'appropriation de la réforme engagée depuis cinq ans par une explicitation de ses finalités et de sa légitimité.

    - Assumer qu'un « management par les politiques » permet d'ouvrir des marges de manœuvre aux opérationnels. En leur offrant un cadre général clair, on leur permet de prendre en compte et d'exprimer les spécificités qui sont les leurs.

    - Affirmer clairement les missions des directions fonctionnelles et leur positionnement.

    - Opérer les adaptations nécessaires à la régulation sociale.

    - Le rôle des pouvoirs publics est de préciser l'audiovisuel qu'il souhaite ; celui de la Direction est d'expliciter les finalités que porte la réforme pour que celle-ci cesse d'être confondue avec les nuisances générées par la manière dont elle a été menée. C'est l'affaire de tous, ensuite, de se remobiliser puisque chacun aujourd'hui possède bien trop de raisons, lointaines ou récentes, d'être désinvesti comme le fait entendre notre étude. Le syndicalisme a un rôle à jouer dans cette remobilisation. Encore faut-il le lui permettre et l'y aider.

    - Le développement d'une politique de développement RH tournée vers l'accompagnement des équipes et l'anticipation des évolutions métiers qui présuppose une dimension prospective.

    - S'autoriser une pleine restitution de cette étude et la préparer.

    Publié par : http://www.marianne.net

    sur http://cequelesmediasnenousdisentpas.over-blog.com/2015/02/france-televisions-des-salaries-a-bout-de-nerfs.html

     

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