• Et maintenant, la prime au rendement pour le médecin - Quid du patient ?

    05.02.2009

    Rémunération des médecins selon l'IGAS, tarifs, prime au mérite, dépassements d'honoraires... au centre des débats sur la maîtrise comptable. Quid du patient?

    L’avis des patients là-dessus, tout le monde s’en fout, alors que tout le monde prétend agir au nom de leurs intérêts… Alors l’usager lambda qu’est Pharmacritique vient dire que ces débats nous intéressent, que notre intelligence va même ( !) jusqu’à en saisir les enjeux – financiers et sociétaux - et qu’il faut décidément pousser encore plus de coups de gueule face au corporatisme, à l’endogamie et à l’autarcie médico-médicale et politicienne qui nous excluent une fois de plus de ce dont nous devrions pourtant être les principaux acteurs.

    Passons en revue quelques approches actuelles de l’éternelle question des coûts de la santé, sous l'angle des revenus des médecins, puisqu'un rapport tout récent de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales, janvier 2009) revient là-dessus, qu'il est question d'une "prime au mérite" pour le médecin traitant et que diverses négociations tarifaires sont toujours en cours, tout comme des négociations sur le secteur optionnel. Il était question de revoir les dépassements d'honoraires, mais le corporatisme a été plus fort... Nous continuerons à payer - et paierons même de plus en plus avec le secteur optionnel et autres franchises et restes à charge...


    Nous en parlons sans aucune prétention d’exhaustivité (heureusement, notre intelligence ne va pas jusque là, et c’est pourquoi on peut débattre, et non pas imposer une certitude toute faite…).

    Le Rapport de l'IGAS et certaines spéculations sans objet destinées à manipuler l'opinion

    L’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) a récemment bouclé un rapport sur les revenus des médecins, resté confidentiel au départ, ce qui a encouragé toutes les spéculations… Cet article du site Droit médical dénonce d'abord la méthode habituelle de Sarkozy: "Que voilà un rapport confidentiel sur le salaire des médecins qui tombe à pic ! Réalisé à la demande du gouvernement, ce rapport rédigé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pourrait aider à mettre la pression sur les syndicats de médecins libéraux qui ne veulent pas plier dans l'affaire de la nouvelle taxe sur la démographie médicale. Il est d'autant plus facile à utiliser qu'il est confidentiel, ce qui veut dire que seuls les médias proches des milieux politiques pourront y avoir accès." Puis l'article énumère les principales spéculations et cherche à les rattacher aux gros intérêts économiques auxquelles elles servent d’avant-poste, sous prétexte de souci pour la sécurité sociale et la solvabilité des patients… C'est intéressant de voir cela, même si le document a été publié entre-temps.

    Pour les détails, voir le rapport de l'IGAS lui-même, publié par la Documentation française sous le titre "Enquête sur la rémunération des médecins et chirurgiens hospitaliers". L'IGAS note entre autres, des disparités importantes dans les revenus, surtout entre spécialités, "la faiblesse, dans les EPS [établissements publics de santé], du lien entre la rémunération, d'un côté, l'activité et les résultats de l'autre", des politiques de rémunération qui ne prennent pas en compte "les enjeux de long terme" et ne sont pas vraiment en cohérence avec "les enjeux stratégiques du système de soins", des rémunérations dont la renégociation conventionnelle n'est pas régulière, qui "n'encouragent pas une recherche de performance", qui ne se basent pas toujours sur des données objectives (ainsi pour les gardes et les astreintes), etc.

    Une présentation des grandes lignes - pour ceux qui n'ont pas le temps de lire l'intégralité du rapport - est faite par APM International dans la dépêche reprise sur le site Infirmiers.com. Voir aussi l'article des Echos: "Rémunération des médecins : le rapport de l'IGAS divise les praticiens".

    Le secteur optionnel et la tarification à l'acte (T2A)

    Le secteur optionnel fait son chemin, avec des conséquences dont une seule est sûre, à savoir l’accumulation des frais de santé pour les patients, comme nous le disions dans la note "Le secteur optionnel : d’autres exclusions et inégalités dans l’accès aux soins (revue Pratiques)". Mais un autre aspect est plus en phase avec le sujet abordé ici. L'IGAS souligne que "le dispositif de rémunération à l'acte n'intègre pas la notion de qualité", autrement dit, la prestation de service n'étant pas meilleure, ce dispositif est tout aussi arbitraire que celui des dépassements d'honoraires.

    La tarification à l’acte ou à l’activité (T2A) pose d’autres problèmes, que les hommes politiques préfèrent ne pas résoudre, alors que cette pratique tarifaire est responsable d’une course contre la montre, d’une multiplication d’actes de plus en plus courts, avec, pour résultat logique, moins de temps pris pour l'examen clinique, pour expliquer les mesures non médicamenteuses de prévention ou de soin, et plus d’ordonnances pour un oui ou pour un non. La prescription de 80% des psychotropes par les médecins généralistes, qui ne prennent pas le temps et/ou ne sont pas formés (ni payés !) pour écouter le patient, est une conséquence de ce modèle-là.

    Pharmacritique a repris l’analyse de Pierre Grimaldi, "L’arnaque de la T2A", dans le billet "Paiement à l’acte / T2A, conflits d’intérêts et non respect de la déontologie : on rentabilise et privatise en excluant pauvres et malades chroniques". Le conflit d’intérêts étant celui entre exercer une médecine de qualité ou faire de l’argent… Arnold S. Relman n’avait pas manqué de souligner à quel point encourager la cupidité – et dévaloriser la médecine générale par rapport à des spécialités hautement technicisées apportant des revenus confortables - débouche forcément sur des violations de la déontologie et sur une piètre qualité de soins (cf. l’excellent texte traduit par Pharmacritique ici : "Arnold S. Relman: Ethique et valeurs médicales dans un monde marchand où la santé n’est qu’un commerce parmi d’autres".

    Cet article de Viva Presse résume ce qu'en dit l'IGAS:

    "L’acte technique mieux rémunéré que l’acte clinique"

    "Les médecins libéraux, exerçant en ville ou en clinique, sont mieux payés quand ils réalisent des actes techniques plutôt que cliniques : ainsi, le revenu d’activité annuel moyen déclaré aux impôts par les radiologues atteint 168 000 euros, 155 000 pour les chirurgiens, 147 000 pour les anesthésistes. A l’inverse, il se monte à 79 000 euros pour les psychiatres et pédiatres, 73 000 pour les dermatologues et 71 000 pour les généralistes.
    Au sein même des spécialités, les disparités sont fortes : les 10 % de radiologues les mieux payés ont un revenu moyen de 273 000 euros contre 77 000 euros pour les 10 % les moins rémunérés.
    Le rapport souligne que, outre la tarification des actes, « ces fortes disparités inter et interdisciplinaires sont aussi le résultat de l’impact de dépassements d’honoraires ». En chirurgie, ces derniers représentent en moyenne 31 % des honoraires, 43 % en stomatologie. L’Igas souligne que les l’écart de rémunération entre spécialités est plus important en France que dans le reste de l’OCDE." La rémunération des médecins généralistes est plus faible que la moyenne européenne, la France n'arrivant qu'en 10ème place sur les 12 pays pris en compte.

    Négociations, zizanies, querelles de marchands de tapis et autres divisions délectables pour le pouvoir...

    Les annonces contradictoires liées aux diverses négociations tarifaires s’accumulent, une zizanie est artificiellement créée entre les revenus des médecins libéraux de ville et ceux hospitaliers, qui n’ont pas les mêmes charges, etc. La question de la revalorisation des actes des généralistes est noyée dans ces tirs aveugles dans toutes les directions. Les revenus des médecins sont comparés aux salaires de misère de la plupart des Français… Pas besoin d’être devin pour comprendre que ce chaos est organisé et vise à influencer l’opinion publique, afin de désolidariser le plus possible patients et médecins.

    La devise de Sarkozy – Bachelot est clairement Divide et impera. Il est certain que leur tâche est facilitée par les revendications traditionnellement corporatistes des médecins, et surtout des médecins libéraux. Chacun se bat pour sa paroisse, et, lorsqu’un lecteur médecin de Pharmacritique rêve d’une consultation chez le généraliste de l’ordre de 60 euros, il ne se pose pas la question de la pauvreté ambiante, du fait que les patients paient déjà de plus en plus de leur poche, qu’ils sont de plus en plus nombreux à renoncer à des soins faute de pouvoir se payer des mutuelles (et surtout des mutuelles performantes), de pouvoir payer des dessous-de-table (présents chez nous comme dans une république bananière, selon le rapport de Health Consumer Powerhouse, résumé dans cette note), enfin, faute de pouvoir payer les dépassements d’honoraires.

    Dépassements d'honoraires: rapport de l'IGAS de 2007, enquête du Parisien et texte de Martin Winckler

    Les dépassements d’honoraires ont par ailleurs fait l’objet d’un rapport de l’IGAS, présenté par Pharmacritique ici : "Les dépassements d'honoraires médicaux. L'égalité s'est perdue en route... Rapport de l'IGAS 2007".

    Regardons la dépêche d'APM International qui reprend les résultats de l'enquête du journal Le Parisien sur les revenus de 2005 d'une dizaine de grands pontes hospitaliers parisiens, qui exercent en secteur privé à l'hôpital public:  "80 stars dépassent les 100.000 euros brut par an parce qu'elles ont une forte activité privée et/ou que leurs tarifs sont très élevés", certains réduisant même leur activité publique "à la portion congrue". Le quotidien publie une liste nominative de 12 professeurs qui gagnent plus de 100.000 euros bruts par an dont trois gagnent entre 500.000 et 600.000 (...) Les trois médecins cités en haut de la liste 500.000 à 600.000 euros bruts en 2005 sont les Prs Bertrand Dufour (urologie, Necker), Maurice Mimoun (chirurgie esthétique, Rothschild) - ce dernier aurait dépassé la barre du million en 2004 -, et Thierry Flam (urologie, Cochin)

    Viennent ensuite les Prs Jean-Philippe Nordmann (ophtalmologie, Quinze-Vingts, établissement hors AP-HP), Marc Zerbib (urologie, Cochin), Jean-Noël Fabiani (chirurgie thoracique et vasculaire, HEGP), Rolland Parc (chirurgie générale et digestive, Saint-Antoine), Patrick Madelenat (gynécologie-obstétrique, HEGP), Bernard Debré (urologie, Cochin), Martin Housset (radiothérapie, HEGP), Michel Mathieu (chirurgie orthopédique, Cochin) et David Khayat (cancérologie médicale, Pitié-Salpêtrière)."

    Le rapport de janvier 2009 de l'IGAS rappelle lui aussi un certain nombre de réalités bien cachées: une enquête de la CPAM de Paris parmi les médecins libéraux de secteur 2 avait constaté que "le taux moyen de dépassement est de 366 %" par rapport au tarif de la Sécurité sociale. Et que près de 600 chirurgiens hospitaliers exerçant en privé à l'hôpital public pratiquent des dépassements d'honoraires qui atteignent 92.000 euros en moyenne... (En plus des revenus publics, bien entendu, et acquis avec le personnel et le matériel de l'hôpital public, contre une redevance dérisoire. Mais les fortes résistances corporatistes ont eu raison du verbiage gouvernemental, et ces chers - c'est le cas de le dire - chirurgiens ont fait pression en pratiquant une "grève du codage" qui a coûté des millions d'euros à la Sécurité sociale. Pertes mutualisées, profits privés, comme d'habitude. L'immobilisme est de mise. C'est curieux que Sarkozy ne monte pas au créneau pour le dénoncer, celui-là... Seul le prétendu immobilisme des malades est critiqué).

    Et voici quelques extraits du texte de Martin Winckler, "Tact et mesure", qui donnent à réfléchir sur les connotations sous-jacentes de scandales tels les dépassements d’honoraires ou les conflits d’intérêts, possibles et étendus en bonne partie à cause de l’autarcie médico-médicale que Pharmacritique n’a eu de cesse de dénoncer :

    "Attendre d’un médecin de fixer ses honoraires « avec tact est mesure » est une hypocrisie : le tact et la mesure n’ont rien de « naturels », ce sont des mots porteurs de valeurs de classe, des mots codés en usage dans la bourgeoisie la plus archaïque, et aussi arbitraires que le fait de poser les couverts de chaque côté de l’assiette, dans l’ordre centripète des plats qui seront servis.

    « Avec tact et mesure » est une expression qui présuppose que le médecin, de par son statut, de par sa fonction, de par son éducation, sait toujours agir de manière appropriée à l’égard des patients qui le consultent, non seulement par son comportement, mais aussi en fixant le montant de ses honoraires. Autrement dit, encore une fois, cela sous-entend que c’est au médecin de décider, et qu’il est le seul apte à le faire. C’est une valeur de classe dominante. (…)

    « Tact et mesure », expression archaïque, hypocrite et puant le XIXe siècle devrait, à mon humble avis, disparaître des codes. Le médecin doit appliquer les tarifs, un point, c’est tout. Et s’il est déconventionné, ou en honoraires libres, ces tarifs, il doit les afficher à l’avance, comme tout prestataire de services, les facturer et donner quittance au patient des sommes qu’il a reçues. Tout autre comportement - et en particulier la tarification fallacieuse, l’exigence d’un paiement en espèces sans reçu, les dessous-de-table et les « rallonges » pour convenance personnelle devraient être dénoncés systématiquement par les patients et sanctionnées immédiatement par la justice, par l’interdiction d’exercer et la condamnation pénale, comme le sont les agissements frauduleux d’un garagiste. (…)

    Il en est [des médecins] qui aiment leur métier et respectent les personnes. Il en est d’autres qui détestent l’un et les autres, et qui, sous prétexte de se « dédommager » de leurs insatisfactions professionnelles, de leurs frustrations personnelles, font payer sans vergogne ceux qu’ils sont censés servir. Et puis il en est qui, tout imbus de leur importance, pensent que c’est à eux de fixer ce qu’ils valent, en monnaie sonnante et trébuchante. Ce n’est pas de l’escroquerie - ils sont persuadés d’être dans leur bon droit - c’est, tout simplement, de la vanité.

    Mais soigner est un métier de relation et - sauf erreur de ma part - frustration, insatisfaction et vanité n’ont jamais été des qualités relationnelles et professionnelles."

    Une prime au mérite ? Incitation financière à la maîtrise comptable et à une pratique uniformisée de prescription, qui ne laisserait plus tellement de place à la liberté et à l’exercice de l’esprit critique face aux recommandations officielles et des sociétés savantes, dominées par les firmes

    Dans ce contexte de zizanies et de négociations en ordre dispersé, on voit apparaître une autre façon de brouiller les cartes : la prime au mérite pour les médecins généralistes – qui forment le gros des médecins traitants -, selon cette brève du Point : "Vers une prime au mérite pour les médecins généralistes ?"

    Ces incitations financières existent déjà aux Etats-Unis, et elles visent clairement la réduction du nombre d’examens et de médicaments prescrits, le choix des médicaments les moins chers et ceux pris en charge par les mutuelles, enfin, l’application d’un schéma uniformisé de traitement. Par exemple, telle patiente ne pourra obtenir une lettre de son médecin que pour le chirurgien du coin, alors que le meilleur est à 100km de là… Nous avons abordé partiellement cette problématique dans la note "Le désastre socio-économique de la santé américaine : résultat de la privatisation néolibérale. Marianne nous dit ce qui nous attend". Ou encore dans celle intitulée "Résultats de la privatisation de la santé et de l’assurance-maladie : 18 millions d’enfants états-uniens sans accès aux soins au moins pendant une période de l’année!"

    Et on a vu que, loin de diminuer, les dépenses de santé augmentent dans un tel système, y compris les coûts de la gestion administrative privée (cf. nos catégories "Privatisation de la santé", "Protection sociale en danger"). Puisque ces restrictions imposées aux médecins vont de pair avec les exigences de profit des assureurs dans un système livré à la privatisation. Et personne ne peut se tromper sur la direction prise par toutes ces mesures, n’en déplaise à Roselyne Bachelot, qui protestait contre les reproches de privatisation et affirmait vouloir, au contraire, renforcer le rôle de l’Etat à travers la loi HSPT (Hôpital, santé, patients et territoires), dont l’impact a été analysé par la Confédération des praticiens hospitaliers (cf. cette note)…

    Les incitations financières iront-elles dans le sens d’un meilleur rapport coût / efficacité ?

    Ces incitations financières pourraient avoir certains effets positifs. On peut effectivement se dire qu’encourager la prescription des génériques est une excellente chose, tout comme choisir les médicaments les mieux connus et les moins chers, tels les diurétiques thiazidiques en cas d’hypertension artérielle, lorsque le cas précis du patient s’y prête. Nous avons abordé en détail cet exemple de désinformation médicale de la part des firmes, reprise dans la pratique courante des médecins, dans la note "L’étude ALLHAT enterrée par les firmes, puisque les diurétiques thiazidiques traitant l’hypertension sont efficaces et bon marché".

    Si les autorités sanitaires revenaient sur le retrait du marché de la chlortalidone (Hygroton), antihypertenseur trop bon marché pour être profitable, voilà qui serait une preuve de volonté d’optimiser la qualité des soins, par exemple à travers des délégués de l’assurance-maladie (DAM) qui iraient présenter le traitement par diurétiques thiazidiques comme étant à la fois le meilleur et le plus efficace, du moins pour certains sous-groupes de patients hypertendus. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. De telles initiatives de visite académique (ou de visite par les DAM) – dont Pharmacritique a expliqué l’objet, les objectifs et les intérêts dans ces notes – sont nécessaires, puisqu’on voit avec l'exemple des antihypertenseurs que la portée des analyses de la revue Prescrire reste très limitée : à défaut de la chlortalidone, Prescrire recommande l’Esidrex (hydrochlorothiazide), mais qui la suit?

    L’issue la plus probable : inégalités creusées, restrictions arbitraires, logique financière dominant le rapport de soins et altérant sa qualité

    Mais d’autres mesures dans ce système de dissuasion appelé pompeusement "prime au mérite" seront purement restrictives et aboutiront à agrandir encore plus le fossé existant déjà entre les patients qui peuvent se faire soigner par les meilleurs spécialistes, dans les meilleurs centres, et ceux qui se voient contraints de se conformer aux restrictions, que ce soit pour des raisons de CMU non acceptée, de refus du médecin traitant d’adresser les patients à tel ou tel spécialiste, etc.

    A condition de remplir des objectifs précis comme la prescription de certains médicaments, les vaccinations contre la grippe ou, par exemple, le dépistage du cancer du sein, le praticien signant un contrat d'amélioration des pratiques de prescription et de prévention [avec l’assurance-maladie] pourrait toucher une prime annuelle en plus de ses honoraires, de l’ordre de 7 euros par patient, et ce dès le mois de mars. "[L]e praticien atteignant tous les objectifs fixés toucherait 5.600 euros annuels. Le nombre de patients de certains professionnels allant jusqu'à 1.200, la prime de ces praticiens pourrait en théorie dépasser les 8.000 euros."

    Cela signifie promouvoir les mammographies et le dépistage du cancer de la prostate, dont on sait pourtant qu’ils sont souvent contre-productifs, comme l’a rappelé Pharmacritique dans certaines notes rassemblées sous la catégorie "Cancer, industrie du cancer". Cela signifie promouvoir les ostéodensitométries et prescrire tout ce qui est recommandé par des autorités sanitaires, dont les experts sont pourtant loin d’être exempts de conflits d’intérêts… Prescrire le Gardasil ou le Cervarix; les inhibiteurs de la cholinestérase (Exelon, Aricept, Reminyl) et la mémantine (Ebixa) dans la maladie d’Alzehimer, dont on sait qu’ils n’ont pas d’effet; prescrire des traitements contre l'ostéoporose et des statines en prévention primaire ; réduire le nombre et la durée des arrêts de travail ; prescrire de moins en moins en ALD, de façon à transférer le coût sur les mutuelles… Et ainsi de suite.

    La prime au mérite aux Etats-Unis. Aïe...

    Regardons de nouveau ce que donne ce système d’incitations financières à la restriction (financial incentives) là où il est appliqué. Ainsi, aux Etats-Unis, nous assistons à une dégradation sans précédent de l’aspect relationnel dans le rapport de soin, avec une absence de confiance de plus en plus marquée et des frustrations à la fois du côté des patients et du côté des médecins. Nous avons abordé ces aspects dans les notes "Le courant ne passe plus entre médecins et patients aux Etats-Unis. Principale cause : la gestion comptable de la médecine" et "L’incompréhension entre médecins et patients : une situation dramatique et qui ne cesse d’empirer".

    Quand la logique comptable domine, mais ne touche que les pauvres au profit des riches (assureurs, laboratoires, grands pontes de la médecine gagnant des millions dans le secteur public en hôpital prive et comme pantins du pharmacommerce, prêts à vendre même des maladies inventées, etc.), l’humanité souffrante et/ou frustrée dans sa liberté se rebelle et se défoule comme elle peut. La médecine, bientôt un métier invivable ? Il se peut qu’on y arrive, surtout si les médecins continuent à n’avoir que des revendications corporatistes.

    Peut-on continuer à accepter que les médecins aient, selon les mots de l’IGAS, "un système de rémunération largement déconnecté des activités et des résultats"? "Les résultats", la "qualité" - ces mots abstraits désignent quelque chose de bien concret: notre santé à nous, usagers. L'application ou non de traitements efficaces qui mènent à une amélioration, au fameux "bénéfice clinique", et pas seulement à un bénéfice financier. Pourquoi accepterait-on qu'on rémunère de la même façon les médecins les plus mauvais et les meilleurs?

    C'est une autre façon de les déresponsabiliser, comme lorsqu'on ne leur demande jamais de rendre compte de leurs erreurs et qu'ils se cachent derrière un prétendu statut "d'art" (sic) de la médecine. Soit dit entre nous, ils ne revendiquent pas le statut d'artiste quant à la rémunération, sachant que la plupart des artistes crèvent la dalle. Non, le point de vue est sélectif, comme lorsqu'ils excluent les usagers de tout cela. Martin Winckler disait très bien en quels termes il faut percevoir un médecin qui se prend pour le seul apte à savoir, et cela s'applique bien entendu aussi en dehors des tarifs...

     
     
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2009/02/05/tarifs-revenus-et-salaires-des-medecins-selon-l-igas-prime-a.html

     


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