• Les Médias et les pauvres... comment ils en parlent

     

      

    En Amérique latine, les pauvres qui représentent une gêne sont tout simplement assassinés. Aux U.S.A., les pauvres sont aux prises avec des cataclysmes naturels, et on en profite pour s'en débarrasser. Fidel Castro a parlé d'aider les noirs de La Nouvelle Orléans dévastée par le cyclone Katrina alors qu'ils étaient pratiquement considérés comme le principal problème.

     

    Voilà pourquoi, les riches sont en train de faire de l'affaire Bettancourt une question de principes, sinon un enjeu fondamental.

     

    En l'occurrence, les riches, dont Nicolas Sarkozy se fait passer pour le champion, font subitement un tintouin de tous les diables pour récupérer Ingrid Bettancourt. Quoi qu'il en soit du calvaire enduré par elle, c'en est presque risible. On dirait qu'il n'y a qu'elle en Colombie à être une victime. Si Ingrid était la femme d'un paysan colombien pauvre ou une indienne, au lieu d'être prise en otage, elle aurait beaucoup de chances actuellement de se faire assassiner par des pistoleros — en Colombie on parle de paramilitaires — à la solde des riches, des grands propriétaires, ou de multinationales minières ou pétrolières. Mais il y a violence et violence. Il y a des violences que les riches jugent légitimes, normales, celles qui leur est profitable, et que les juges renoncent à sanctionner, ou celles qui auraient une raison d'être économique. Lorsque des journalistes prennent la défense de pauvres, lorsqu'ils informent l'opinion à propos des causes de leur calvaire, autrement dit à propos des multinationales ou des riches qui les font assassiner, ils se font parfois eux-mêmes assassiner. Nul essayiste n'en fait cependant des alter ego d'Anna Politkovskaïa.

     

    Voilà à quoi servent désormais les médias dont les riches semblent de plus en plus disposer. À vrai dire, les journalistes sont conditionnés à ne pas prendre la défense des pauvres. Sauf lorsqu'il est possible d'en faire un spectacle.

     

    Les médias jugent parfois utile de parler de la mort d'un pauvre. Mais cela n'arrive le plus souvent qu'en cas de catastrophe naturelle, ou lorsqu'un pauvre est victime d'autres pauvres. Les journaux étalent alors la tristesse de leur famille dans leurs colonnes. Ils font abondamment référence aux opérations de secours, du moins à certaines d'entre elles au point qu'on comprend qu'il faut être pauvre pour vivre aux pieds d'un volcan.

     

    Les médias parlent beaucoup des pauvres, de sorte qu'on ne peut les taxer de manque d'objectivité, mais ce sont surtout les organisations internationales ou non-gouvernementales qui leur viennent en aide dans certaines régions du monde qui sont présentées comme des héroïnes. Leurs malheurs n'ont de valeur que dans la mesure où ils servent à justifier l'ingérence de multiples organisations.

     

    Un tremblement de terre ou toute autre cause naturelle est toujours mis à profit pour faire étalage de l'organisation, des moyens hautement techniques, des capacités d'intervention de la société moderne, ou pour faire étalage des sommes d'argent en réalité dérisoires qui sont octroyées aux pauvres.

     

    Il n'est pas permis de parler des pauvres qui réussissent à s'en sortir par eux-mêmes en s'organisant, à moins qu'ils ne deviennent riches, qu'ils accèdent à des biens de consommation de luxe, qu'ils ne disposent de revenus réguliers.

     

    Bref, le pauvre n'a d'intérêt que s'il a l'air d'un pauvre, que s'il est dépendant d'une aide aléatoire qui ne peut en aucun cas servir à en faire l'égal d'un riche, ou s'il devient riche.

     


    Auteur : Adrien Du Katanga - Source : Le Plumitif

     

    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=12164


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