• La puissance des médias - au détriment de la démocratie !

     

    La puissance des médias

    La presse sérieuse et la télévision de service public doivent être au service de la démocratie

    Rainer Rothe
    Vendredi 10 Août 2012



    La puissance des médias

    La presse sérieuse et la télévision de service public doivent être au service de la démocratie

    par Rainer Rothe, avocat

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    La manipulation par l’engagement varié et nuancé des médias, est un moyen de puissance. Il n‘y a pas de hasards. Il existe déjà une communication juridique (cf. Rademacher/Schmitt-Geiger (édit.). «Litigation-PR: Alles was recht ist», 2012). Rien n’est laissé au hasard.
    Le professeur de droit public expérimenté Martin Kriele rappelle ce processus fondamental à l’aide de l’intervention contre Christian Wulff, l’ancien président d’Allemagne. Il décrit dans son article dans le périodique Zeitschrift für Rechtspolitik (ZRP, 2012, 53sq., «Zwischenruf: Die Macht der Medien», www.martinkriele.info), que des journalistes n’ont pas fait de recherches sur les reproches contre Wulff – recherches qu’ils auraient été obligés de faire – à l’aide des normes du code pénal (§§ 331, 332 CP), bien que le débat ait occupé les médias durant deux mois, mais qu’ils ont créé un scandale qui n’existait pas.
    Entretemps, Focus écrit dans son dernier numéro (no 31 du 30/7/12, p. 17) qu’il n’y a actuellement pas de présomption de culpabilité suffisante dans l’information judiciaire lancée contre Wulff.
    En 1990 déjà, un professeur allemand de premier plan en droit de la personnalité (droit civil), qui par hasard occupait un bureau au même étage que moi à l’université, m’a rappelé avec insistance que le problème de l’abus de la liberté de la presse a commencé quand on a coiffé Ebert, le président du Reich, d’une tête d’âne et que par conséquent, le respect de la fonction et de la personne avait été blessé, avec des conséquences graves pour l’Etat de droit et la démocratie.
    Dans le contexte de la démission de Köhler et Wulff, le professeur Kriele écrit à présent ce à quoi j’ai toujours dû penser:
    «Le déclin de la République de Weimar a commencé avec la moquerie du président du Reich Friedrich Ebert et les manipulations d’opinion du groupe Hugenberg. Au fond, le respect de la fonction du président fédéral et du peuple qu’il représente, interdit de faire des coups portés au président un amusement public: qui tiendra le coup le plus longtemps, lui ou les médias?»
    Une fois de plus je le remercie d’exiger le respect de ces principes de la part de la presse spécialisée et qu’il rappelle, en tant que solution et espoir, les principes de la démocratie et de l’Etat de droit, et par là la mission et le rôle ainsi que l’engagement juridique des médias. Il renvoie au fait que «c’est un problème de la culture politique de notre démocratie». Que les médias ont «peu de motifs d’autojustification morale». Il distingue, comme le fait dans sa systématique l’article 5, al. 1 de la Constitution, l’expression d’opinions et la diffusion de faits. Il rappelle que c’est la tâche des établissements de radio et de télévision avant tout de réfléchir aux «préceptes qui garantissent un minimum de mesure, d’objectivité et de respect mutuel.» ((BVerfGE 12, 205 [262 f.] = NJW 1961, 547).
    La liberté d’expression et la diffusion d’une opinion doivent être clairement distinguées de la liberté du reportage (transmission de faits) garanti par la radio et le film (art. 5, al. 1, phrase 2 CF). Aujourd’hui, l’interdiction de la désinformation selon l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) est malheureusement souvent ignorée par les tribunaux.
    Pour moi, le juge suprême de la République fédérale d’Allemagne a de nouveau précisé l’importance pour la démocratie du citoyen et de ses droits dans son attitude de la semaine passée, quand il a justifié l’anticonstitutionnalité de l’éligibilité au Bundestag. Focus online titrait le 12/7/12: «la démocratie ne fonctionne pas sur commandement» (voir l’article à la page 4). La radio de droit public et la télévision ne pourraient pas du tout exister sans les redevances que chacun doit payer. La contrainte de payer des redevances se justifie par la fonction particulièrement importante entre autre d’une information objective du citoyen et de sa signification pour le processus démocratique. Les médias doivent s’y conformer et doivent renoncer à toute manipulation et désinformation. C’est là justement aussi une question de culture politique.     •

    Le cartel des médias

    km. Voici ce que le professeur de droit public Martin Kriele, partant d’un examen de la façon de traiter l’ancien président fédéral Christian Wulff, exige: une presse sérieuse et des télévisions de service public qui se sentent engagés envers leur mission démocratique – c’est ce que la journaliste Eva Herman illustre avec pertinence dans son livre qui vient de paraître: «Das Medienkartell. Wie wir täglich getäuscht werden.» (ISBN 978-3-86445-030-3). A l’aide de nombreux exemples concrets, elle illustre des déclarations sérieuses concernant les dysfonctionnements dans un conglomérat qu’elle appelle le «cartel des médias» composé de médias, d’économie et de politique.
    Au début de son livre déjà, Eva Herman écrit: «Le reportage public […], par son orientation souvent partisane et unilatérale, est devenu entre-temps un danger pour nos valeurs démocratiques fondamentales.» En Allemagne, «instaurés quotidiennement à nouveau, le politiquement correct, les muselières et les interdictions de penser règnent aujourd’hui». (p. 8)
    Le grand pouvoir des médias résulte de la concomitance avec d’autres pouvoirs: «Après avoir examiné les cas des médias les plus flagrants, on s’aperçoit vite que les ‹médias coupables› ne le sont pas tout seuls. Il s’agit bien plus d’une alliance de la ‹presse de qualité› des soi-disant médias dominants et des décideurs politiques de Berlin, Bruxelles et Washington ainsi que des groupes, banques et lobbyistes agissant de concert qui donnent leurs ordres de tout en haut. Appelons-les tous ensemble le cartel des médias.» (p. 8)
    Voici les méthodes des médias: «Les slogans de RP rhétoriquement astucieux, les reportages publicitaires soigneusement coordonnés et les stratégies polémiques et même l’incitation sans scrupules à la guerre, s’ajoutent sans retenue aux reportages quotidiens, afin de mettre le peuple au pas: celui qui s’oppose à ces agissements, celui qui proteste ou essaie d’intervenir, se voit sans autre forme de procès mis au placard.» (p. 11)
    Plus loin dans le livre, l’auteure se fait encore plus précise: «Quand on considère la déchéance croissante du reportage de notre ‹presse de qualité›, dont font partie malheureusement les vérités réprimées, la paresse, les fausses nouvelles et parfois la chasse aux sorcières contre des contemporains déplaisants, on peut parfois se sentir mal. Quand en même temps on considère le comportement des représentants de la presse pris individuellement, qui se présentent parfois comme si par principe ils avaient tous les droits de juger des personnes comme cela leur chante justement, on se sent parfois rappelé au Moyen Age, où on livrait au bûcher des contemporains indésirables pour avoir dit la vérité». (p. 161)
    L’ancien président fédéral Wulff était un de ceux qui en a fait les frais. Mais Eva Herman ne se borne pas à rapporter les faits de façon détaillée, elle va plus loin: «La question importante des raisons de la chasse aux sorcières des médias se pose toujours. Qu’est-ce que Wulff avait commis pour que tous se précipitent soudainement sur lui et provoquent la rupture de tous les liens amicaux et politiquement corrects? […] Etaient-ce peut-être ses discours en clair sur l’actualité la plus récente concernant le MES, les euro-bonds et les machinations de l’élite financière globale?» (p. 156 sq.)
    «Face à la crise de l’euro, Christian Wulff avait vigoureusement attaqué les activités des hommes politiques de premier rang et de la BCE. L’ancien président fédéral avait dit dans un discours public qu’il jugeait ‹douteux sur le plan juridique› le rachat massif par la BCE d’emprunts souverains de certains Etats, et que l’article 123 du Traité sur la méthode de travail de l’Union européenne interdisait à la BCE l’achat direct de titres de créance publics, pour protéger l’indépendance de la banque d’émission. ‹Cette interdiction n’a de sens que si les responsables ne la contournent pas par des achats importants sur le marché secondaire› selon Wulff.» (p. 159)
    Le Président, dont la chancelière allemande avait d’abord cru qu’elle pourrait le manipuler tout à fait selon ses idées, se révéla être trop autonome: «En affichant ce mélange de conscience de sa propre valeur débordante soudainement, d’inquiétude pour l’avenir et de la perception simultanée de notre système fichu, Wulff n’était plus une marionnette que la chancelière Merkel pouvait joliment faire danser selon son humeur du moment. Celui qui est renseigné sur ce qui attend l’Allemagne, l’Europe et le monde entier ces temps prochains, comprend quels développements pouvaient avoir débuté selon les claires paroles de Wulff.» (p. 160)
    En allant plus loin, Herman ajoute: «Qu’on se représente seulement qu’arrive prochainement en réalité ce que des observateurs craignent depuis longtemps et à quoi des troupes de crise comme l’armée privée Eurogendfor ou Frontex, les troupes de frontière se préparent depuis longtemps: des troubles en Europe, des fermetures de frontières à cause de l’effondrement de l’euro, des conversions de monnaie, des manques de denrées alimentaires ainsi que des mesures d’urgence de toutes sortes. Dans le cas d’une guerre au Proche-Orient, la dernière chose que la chancelière fédérale aimerait affronter, serait un président fédéral buté qui ne signe pas les lois d’urgence à ratifier rapidement, parce qu’il veut d’abord les vérifier dans le calme. Reste à attendre si, avec le nouveau Président Joachim Gauck, la fonction sera occupé par un chef d’Etat complaisant.» (p. 160)
    Le bilan que dresse Eva Herman de l’attitude des médias à l’égard de Christian Wulff est incontestable: «L’affaire Wulff a modifié le paysage médiatique allemand. Ce qui n’était certainement pas prévu, c’est que bien des choses ont été divulguées, et là il ne s’agit pas seulement des transgressions de Wulff. Nos représentants des médias, que ce soit à la radio, à la télévision ou dans la presse écrite, ont montré leur visage. Ils ont été souvent énervants, se sont montrés pusillanimes par un côté presque autistiques par rapport à ce qu’ils imposaient au citoyen, et que celui-ci devait chaque jour supporter à nouveau. Ils ont fait tout cela dans une entente effrayante et apparemment sans grands scrupules.» (p. 167)
    L’auteure y voit ses convictions de base confirmées: «Les importants piliers de notre société d’autrefois, tels que les valeurs traditionnelles, la liberté et la démocratie, ont en vérité depuis longtemps cédé à un système de surveillance et de contrôle qui revient à un reflet peu glorieux de l’agitation de la RDA d’alors. Il ne faut plus regarder avec reproches en direction de l’Est pour s’irriter du manque de liberté d’opinion: Entre-temps nous avons assez à faire dans notre propre pays pour retrouver un jour une bonne situation.» (p. 11 sq.)
    Eva Herman examine aussi les questions de droit public concernant le développement du paysage médiatique: «Par l’influence croissante des médias, la séparation des pouvoirs, c’est-à-dire la répartition dans notre pays de l’autorité de l’Etat sur plusieurs organes étatiques, a apparemment adopté une nouvelle hiérarchie de la répartition, acceptée tacitement. Officiellement, on désigne encore les pouvoirs instaurés dans le but de la limitation du pouvoir et de la sauvegarde de la liberté et de la démocratie par: la législation (législatif), l’exécution (exécutif) et la justice (judiciaire). Mais il y a longtemps que ce sont de puissants éditeurs et leurs représentants qui bras dessus, bras dessous avec les décideurs politiques font à présent publiquement la pluie et le beau temps et dirigent les destins du pays: le cartel des médias s’est hissé au niveau d’un quatrième pouvoir.» (p. 41)
    Mais ça signifie: «Ce qui autrefois a été réparti sur les épaules de plusieurs institutions comme mesure législative importante contre toute forme de concentration de pouvoir et d’arbitraire, s’exprime ici sans aucune base légale: des lois autonomes invisibles, des lois de mise au pas […] sont également installées dans notre pays, reçoivent leur bénédiction à Berlin, sont répandues publiquement et exécutées. Celui qui s’oppose est soumis arbitrairement à une procédure ‹judiciaire› sans aucune base légale.» (p. 41)
    En considérant les réactions actuelles des citoyens allemands, elle écrit: «Nos valeurs, le fondement de notre liberté, les racines de l’Occident chrétien, sont actuellement abolis et exclus de la vie publique, par les méthodes médiatiques parfois cruelles, souvent mises au pas, à l’instar de ce qu’on appelle aujourd’hui la démocratie. On nous vole les piliers de base de la société, et nous? Nous regardons sans rien faire! Nous ne nous battons pas! Nous ne disons pas: ­arrêtez! L’Allemagne dort! Encore!» (p. 45)

    Eva Herman, Das Medienkartel, Wie wir täglich getäuscht werden; ISBN 978-3-86445-030-3

    Plus de 270 professeurs d’économie ont signé la lettre ouverte contre l’union des banques

    km. Le 5 juillet la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» a publié sur son site Internet une lettre ouverte de plus de 172 professeurs d’économie (cf. Horizons et débats no 29 du 16/7/12). Les économistes ont mis en garde contre la mise en vigueur des décisions prises lors du Sommet de l’UE du 29 juin. Ils ont particulièrement critiqué la chancelière allemande Angela Merkel, pour avoir soutenu ces décisions bien que son pays soit confronté à de nouveaux cautionnements énormes. Les chefs d’Etat et de gouvernement avaient décidé de vouloir créer une union des banques européennes où tous les pays de l’euro seraient responsables de payer collectivement les dettes cumulées par les banques dans tous les pays de l’euro. Ce signifierait que ce ne serait plus chaque pays qui serait lui-même responsable de payer les dettes des banques de son propre pays. Dans les pays en crise de la zone euro, les dettes des banques s’élèvent à plus de neuf billions d’euros actuellement, à peu près le triple des dettes d’Etat encourues par ces pays. La lettre des économistes a rencontré une attention mondiale et depuis sa publication, elle est largement discutée. Entretemps, plus de 270 professeurs d’économie ont signé cette lettre.

    http://www.horizons-et-debats.ch

     

    http://www.alterinfo.net/La-puissance-des-medias_a80069.html

     

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