• Google et Verizon s'entendraient pour abandonner la neutralité du Net

     

    Google et Verizon, un acteur majeur de l’accès à inter­net aux Etats-Unis, seraient sur le point de trou­ver un com­pro­mis concer­nant la net neu­tra­lity. Cet accord – qui reste à vali­der avec les auto­ri­tés amé­ri­caines – per­met­trait à Verizon de don­ner la prio­rité à cer­tains conte­nus sur son réseau en échange d’un paie­ment fourni par les ser­vices four­nis­sant ces conte­nus. Selon le New York Times, cet accord pour­rait à terme signi­fier une hausse du prix de l’accès à inter­net pour les consommateurs.

    Cet accord serait une sérieuse atteinte à la Net Neutrality, un prin­cipe fon­da­teur du net qui veut qu’un réseau traite de façon indif­fé­ren­cié une infor­ma­tion qui y tran­site, quel que soit son ori­gine, sa des­ti­na­tion ou son contenu. Un prin­cipe à la fois garant de la liberté d’expression et de la libre concur­rence sur inter­net. En lieu et place, les consom­ma­teurs pour­raient se voir pro­po­ser rapi­de­ment des for­mules pre­mium et de for­mules d’entrée de gamme où l’accès à cer­tains conte­nus serait plus lents, en par­ti­cu­lier si les éditeurs n’ont pas payé les four­nis­seurs d’accès.

    Les four­nis­seurs d’accès tra­vaillent d’arrache pied pour mettre en place la «prio­rité payante» qui leur per­met­tra d’exiger auprès des plus riches éditeurs de conte­nus et de ser­vices le droit de voir leurs infor­ma­tions tran­si­ter plus rapi­de­ment que d’autres sur leurs réseaux. Ils font égale­ment beau­coup d’efforts pour faire en sorte que le légis­la­teur consi­dère l’internet mobile comme une tech­no­lo­gie à part, sur laquelle la neu­tra­lité des réseaux n’aurait pas à s’appliquer.

    Beaucoup de four­nis­seurs de conte­nus comme eBay, Skype ou Amazon pré­fèrent la règle de la neu­tra­lité des réseau et veulent s’assurer que si elle venait à être amen­dée, tous les éditeurs puissent avoir la pos­si­bi­lité d’accéder à cette option de prio­rité payante. Tout le monde ne pou­vant être prio­ri­taire, il se posera néces­sai­re­ment la ques­tion d’une hié­rar­chie, pro­ba­ble­ment établie sur la base d’enchères, une option qui selon le Washington Post aurait été écar­tée dans le cadre de l’accord sup­posé entre Google et Verizon.

    Politico de son coté affirme que l’accord – qui rap­pe­lons le est pour l’instant secret – empê­che­rait Verizon de bloquer cer­tains conte­nus mais lui per­met­trait d’en contrô­ler la vitesse, afin de per­mettre, par exemple, à la VOD d’être plus rapide, et ce à par­tir du moment où cela «ne por­te­rait pas atteinte aux consommateurs».

    Verizon est aux USA le prin­ci­pal par­te­naire de Google pour la com­mer­cia­li­sa­tion d’Android, sa pla­te­forme dédiée à l’internet mobile, et les deux acteurs semblent avoir suf­fi­sam­ment d’intérêts en com­mun pour que Google jette aux orties sa doc­trine du «dont’ be evil».


    Des accords simi­laires en France, qui ne sau­raient tar­der, per­met­traient à cer­tains opé­ra­teurs inter­net qui sont égale­ment four­nis­seurs de contenu (la majo­rité d’entre eux), de ren­for­cer ce mou­ve­ment en cours d’intégration ver­ti­cale de l’internet, en don­nant la prio­rité à leurs ser­vice de strea­ming musi­cal, par exemple, tout en ralen­tis­sant ceux pro­po­sés par la concur­rence, les ren­dant quasi inuti­li­sables, et s’assurant par la même occa­sion qu’aucun nou­vel entrant sur ce sec­teur – ou un autre sur lequel ils auraient jeté leur dévolu – ne viennent à les déranger.

    Si ce prin­cipe venait à se géné­ra­li­ser, ce serait la fin du prin­ci­pal moteur de l’innovation qui a fait l’internet que nous connais­sons aujourd’hui, c’est à dire une inno­va­tion qui vient de la base (de «trois gus dans un garage», pour reprendre l’expression de Christine Albanel, qui ignore sans aucun doute que Apple et Hewlett Packard sont issus de trois, ou plu­tôt deux gus dans des garages). L’innovation serait de plus en plus l’apanage des gros acteurs, comme c’est le cas dans bien d’autre sec­teurs, comme le spa­tial ou le nucléaire.

    Accessoirement, tout cela repré­sen­te­rait un très sérieux revers pour la liberté d’expression (le terme acces­soire est bien évidem­ment une forme d’ironie). On ima­gine mal la presse, déjà en proie à de sérieuses dif­fi­cul­tés finan­cières, payer pour sa dif­fu­sion (bien que, l’Etat pour­rait une fois de plus lui venir en aide), et inutile de par­ler de l’auto-édition et du web 2.0 dans son ensemble, qui seront à coup sûr les grands per­dants dans la dis­pa­ri­tion de la Net Neutrality.

    En France, Nathalie Kosciusko-Morizet a remis la semaine der­nière un rap­port concer­nant la Neutralité du Net au par­le­ment, ce der­nier ne l’a pas pour l’instant rendu public. La secré­taire d’Etat s’est pour l’instant mon­trée pru­dente sur le sujet et a jusqu’ici affi­ché un sou­tien à la neu­tra­lité des réseaux, mais au sein de l’Assemblée les lob­bies en faveur de sa mise à mort sont nom­breux, comme le témoigne la réunion hou­leuse sur la loi et le numé­rique qui a eu lieu le mois der­nier, ou 4 lob­byistes dif­fé­rents ont suc­ces­si­ve­ment tenté de faire valoir leur point de vue en par­faite contra­dic­tion avec la Net Neutrality.

    Le sort de la Net Neutrality est désor­mais dans les mains du légis­la­teur. Après le fiasco de l’Hadopi, et alors qu’il s’apprête à adop­ter Loppsi en cati­mini à la ren­trée, et mal­gré des signes de bonnes volonté affi­chés récem­ment, les chances pour la Net Neutrality de pas­ser l’hiver sont faibles, en par­ti­cu­lier compte tenu des rap­ports ‘par­ti­cu­liers’ qu’entretiennent l’Etat et le plus gros four­nis­seur d’accès à inter­net natio­nal, et de l’intérêt que pour­rait avoir l’un et l’autre a pou­voir ralen­tir ou accé­lé­rer cer­tains contenus.

    sabre au clair


    Auteur : Fabrice Epelboin - Source : ReadWriteWeb France

     

    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=14768


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